«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 30 avril 2021

De la nécessité de rallumer les « lumières » de la solidarité et du Solidarisme

La France continue de faire face aux pires coups du sort. Après le drame de l’assassinat du professeur Samuel Paty, celui de la policière Stéphanie Monfermé vient faire l’horrible démonstration de l’incapacité des démocraties à tout contrôler. L’imprévu, la fragilité échappent et la contingence en société ne se maitrise pas dans l’anticipation des problèmes mais dans la construction ou la réaffirmation d’un modèle social, politique et économique qui donne une place à chacun, une perspective à tous. Nous traversons, désormais sur fond d’échéances électorales, une période qui cristallise les problèmes les plus délicats qui peuvent se poser à un État : la contestation de son autorité et de ses institutions par l’insécurité et le terrorisme, une perte de confiance en ses ses capacités à s’organiser et à protéger dans ce contexte difficile de pandémie qui engendre une crise économique et sanitaire.

Pour autant, les français doivent-ils lui jeter la pierre ? Sûrement pas, même si à l’image du problème le plus douloureux, celui du terrorisme pour lequel malgré 14 lois déjà adoptées sur le sujet, le phénomène persiste sur notre sol, voire même s’amplifie, et que les français ont des raisons de s’interroger sur le bien fondé et l’efficacité des politiques menées dans cette matière.
Sans volet social, sans image projetée d’une société libre, égale, fraternelle et solidaire, aux valeurs défendues à égalité et au même titre que la sécurité collective et individuelle de ses membres, il n’y a pas plus de modèle républicain et plus de modèle français.
Devant les difficultés, face aux coups du sort et aux problèmes, le sage cherche des solutions quand le vulgaire, cherche des coupables. Cette maxime un peu triviale résume la situation qui prévaut dans les nombreux États qui s’enferment peu à peu dans des logiques autocratiques et sécuritaires. Des illusions. Et dans le monde d’aujourd’hui, les exemples se font de plus en plus nombreux : Turquie, Russie, Chine, Inde, Brésil, Birmanie, États africains,…
Mais en France nous avons une chance inouïe. Nous disposons d’un formidable héritage littéraire, politique et philosophique pour faire face à cette inflexion mondiale. Nos « lumières » ne demandent qu’à briller de tout leur éclat et nous pouvons sans hésiter nous en prévaloir et nous en inspirer pour redonner du sens et un modèle plus conforme à notre démocratie française.
L’une de ces « lumières » nous a été proposée à la fin du XIXème siècle par Léon Bourgeois, Son credo était « L’individu isolé n’existe pas ». Il en a fait une doctrine politique, le solidarisme qu’il a exposé en 1896 dans son ouvrage Solidarité. Le solidarisme au niveau de l’individu est fondé sur la « responsabilité mutuelle qui s’établit entre deux ou plusieurs personnes » ou encore un « lien fraternel qui oblige tous les êtres humains les uns envers les autres, nous faisant un devoir d’assister ceux de nos semblables qui sont dans l’infortune ». Sous la IIIe république, du point de vue de l’Etat, le solidarisme de Léon Bourgeois se veut une réponse philosophique et sociopolitique moderne du Parti Radical face au libéralisme et à la poussée du socialisme. Basé sur la mutualité considérée comme la « règle suprême de la vie commune », le solidarisme entend apporter à la République un fondement théorique capable de s’imposer durablement et de légitimer l’intervention de l’Etat, comme expression de la volonté générale mais dans le respect de la liberté individuelle. C’est au nom de la solidarité qu’a été défendu le principe de l’impôt sur les successions, sur les revenus et du système de retraite pour les travailleurs. L’idée de solidarisme est d’autant plus intéressante à réhabiliter dans notre société qu’elle incarne la mise à l’épreuve de la liberté individuelle par l’égalité et la fraternité, un graal démocratique. Nous nous sommes attachés à deux affirmations pour le démontrer.

La liberté fait le droit entre les hommes

Si personne n’est contre la liberté, nous ne sommes pas tous d’accord sur ses exigences. Pour les solidaristes comme Bourgeois, pas de liberté des individus sans effort de tous. Dans l’idée que nous ne devrions juger aucun crime, ni aucune faute à l’aune du seul individu, nulle réussite sociale ne peut être entendue comme résultant du travail d’une seule personne.Nous nous devons tous beaucoup les uns aux autres, car personne ne peut affirmer sérieusement qu’il s’est fait tout seul. Par exemple, un fils d’ouvrier devenu professeur d’université doit énormément à sa famille et à ses proches, mais aussi à l’ensemble des institutions sociales qui lui ont permis de devenir ce qu’il a voulu être. Sans elles, la porte de son avenir se serait refermée avant même qu’il ne puisse donner une chance à ses projets. Dès lors, il doit lui aussi participer à l’effort collectif en redonnant ce qu’il a gagné et en mettant au service des autres un talent et une volonté de travail qui seraient restés lettre morte sans appuis sociaux. Pour Léon Bourgeois « l’homme naît débiteur de l’association humaine », il est l’obligé de ses contemporains mais aussi de ses aînés et de ses descendants. Le solidarisme marque l’idée d’une « dette sociale » qui implique pour tous les individus des droits à une éducation, un socle de biens élémentaires pour exister et des assurances contre les principaux risques de la vie. Le pendant de ces droits est un « devoir social » qui est affecté à chacun. Dans ce cadre de possibilités et de contraintes juridiques, la solidarité, à la Bourgeois, « établit, en même temps que la liberté, l’égalité non pas l’égalité des conditions, mais du droit entre les hommes ».

Le devoir de bienfaisance devient une liberté publique

Critiquée par les marxistes, comme « petite-bourgeoise » et par les libéraux, comme attentatoire aux libertés, la doctrine de Léon Bourgeois, inscrite entre l’individualisme libéral et le socialisme révolutionnaire, va considérablement inspirer la philosophie sociale de la IIIe République et tous les débats qui, depuis, alimentent les réflexions sur la protection sociale. Il est en quelque sorte, l’ancêtre d’une troisième voie que l’on cherche toujours à mettre en place. Féru de sociologie naissante et de balisage juridique pour une protection de ce qu’il baptisait une « société de semblables », Léon Bourgeois s’est inspiré des travaux de Pasteur pour penser la prophylaxie sociale, c’est à dire pour penser l’ensemble des moyens destinés à prévenir l’apparition, la propagation ou l’aggravation des maladies de la société.
La « solidarité », telle que la percevait Léon Bourgeois, était la résultante de deux forces longtemps opposées : la méthode scientifique et l’idée morale – ce en quoi il s’inspire de la doctrine philosophique positiviste. Cette solidarité collective s’oppose à tout effacement de l’individu au profit de la collectivité. La solidarité est ainsi entendue comme une forme de la justice comme équité, ce qui la distingue par exemple de la charité chrétienne, car la solidarité a notamment sur la charité cet avantage d’autoriser les sanctions. Comme « Devoir » et « sanction » étaient déjà intimement liés à la notion de justice et de respect du droit dans l’esprit de Léon Bourgeois : le devoir de bienfaisance pouvait dès lors justifier l’intervention de la force publique. Ainsi le solidarisme de Léon Bourgeois trouvait des applications aussi bien dans la résolution des maux sociaux que dans les relations internationales. Il devait se produire un passage de l’état de concurrence (le conflit) à l’état de solidarité (la paix , c’est à dire la concorde). Et c’est à cette cause que Léon Bourgeois s’est consacré entre 1899 et 1925. Il a mis quinze années pour mûrir la théorie de la solidarité des peuples et en définir l’expression la plus parfaite et auquel il a donné le nom de Société des Nations, l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies actuelle. Un héritage lumineux capable d’éclairer l’avenir bien mieux et bien plus loins que toutes les saillies guerrières et iconoclastes d’aujourd’hui.

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L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

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