«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Concile de Nicée : l’unité des chrétiens a 1700 ans

L’église catholique, les églises de la Réforme et les églises orthodoxes doivent au concile de Nicée (325) une confession de foi qui leur est commune, le Credo de Nicée-Constantinople. Cette assemblée, dont c’est le 1700ème anniversaire, fondatrice de l’unité des chrétiens, est aussi, et sans doute avant tout, déterminante pour le développement de l’Église catholique.

Au début du christianisme, les chrétiens forment de petites communautés dispersées dans l’Empire romain. Lors des premiers siècles, le temps des « pères de l’Église », leurs pratiques évoluent de façon indépendante et dispersée. A l’aube du IVe siècle, le christianisme, qui est en progression, est encore loin d’être la première religion de l’Empire romain où l’antique religion traditionnelle (de moins en moins pratiquée) a été remplacée par une multitude d’autres religions, souvent d’origine orientale, comme le culte de Mithra, le dieu solaire, d’Isis en provenance d’Égypte, ou même de Sérapis. Le monde romain a alors besoin d’une conscience religieuse différente, plus englobante et proche des fidèles, apportant également des réponses d’ordre spirituel, notamment sur la question de l’âme. L’empereur Dioclétien (284-305) ayant proclamé de nouveau le lien indéfectible de Rome avec ses anciens dieux, persécute les chrétiens qui ne voulaient pas participer au culte devenu « national ». L’antagonisme devient problématique car le christianisme, religion monothéiste, prône une vérité unique ne pouvant accepter l’existence d’une autre forme de piété. Lorsque Constantin, après certains prodiges (une révélation en rêve du symbole du Christ avant la bataille du Pont Milvius contre Maxence [1]) aurait noué une sympathie de plus en plus affichée pour le christianisme. La volonté impériale est aussi, et avant tout, d’établir une ligne directrice commune, une uniformisation de la société romaine qui se définit de plus en plus comme un tout unique, distinct de l’extérieur ; la Romania. Cette conception de l’Empire, qui agrégeait donc Rome elle-même, partait du principe d’une union sacrale de la société derrière son souverain. L’inclination spirituelle de Constantin et sa préoccupation pour l’unité de l’Empire seront à la source du triomphe du christianisme au cours du IVe siècle. En 312, Constantin Ier se convertit au christianisme. Il fait en sorte que la religion chrétienne soit tolérée dans l’Empire [2]. En 313, par l’édit de Milan, il octroie aux communautés chrétiennes, sorties depuis peu de l’époque des persécutions, un droit de cité protecteur leur permettant, en autres, de mener sereinement des débats théologiques sur les questions qui les divisent profondément à cette époque, et sur la première d’entre elles, celle posée par Arius et l’Arianisme.

De l’arianisme

Rappelons le contenu théologique de la thèse de l’Arianisme [3]. Depuis longtemps des débats existaient sur la nature du Christ et sur les rapports entre lui et son Père, Dieu. Pour Arius, prêtre d’Alexandrie en conflit avec son évêque Alexandre, en Dieu seul le Père est de toute éternité ; il précède le Fils qui est une créature avec un commencement. Le Christ, Jésus, ne peut donc en aucun cas être l’égal du Père et du Saint Esprit, du fait de sa chair mortelle et de sa naissance ; il était donc conçu par le Père, donc postérieur. Cette conception avait de nombreux partisans, elle était devenue une source majeure de tension entre patriarcats et au sein même des églises locales. C’est donc pour répondre à l’inquiétude exprimée par nombre d’évêques et parce qu’il considérait que les dissensions religieuses étaient une source de trouble pour l’ordre public et pour l’unité de l’empire d’orient et d’occident que, sous les conseils de Saint Hosius de Cordoue, Constantin Ier réunit les évêques à Nicée (318 selon saint Athanase). La majorité d’entre eux viennent des provinces hellénophones de l’Empire. L’évêque de Rome, le pape Sylvestre, vieux et fatigué, ne se déplace pas mais envoie des observateurs. Le « concile oecuménique » étant une assemblée, l’oikoumène, composée de représentants de l’ensemble des communautés chrétiennes existantes, Arius est invité à y exposer sa thèse.

Le concile de Nicée ou la condamnation de l’arianisme

Le concile de Nicée qui se réunit le 19 juin 325, fut le premier des conciles tenus à Nicée (aujourd’hui Iznik), en Asie Mineure [4]. Cette assemblée comme les suivantes - le concile de Nicée est considéré comme le premier concile œcuménique d’une série de 21, selon le décompte de l’église catholique - eut pour principal objectif de débattre et de trancher les questions importantes en matière de foi et de discipline ecclésiale posées par Arius et de prendre « avec l’aide de l’Esprit Saint [5] » des décisions qui s’imposeront à tous. L’utilisation de cette formule référent à l’Esprit Saint n’est pas anodine. Elle affirme, face au pouvoir de l’empereur, l’autorité du pape sur ces sujets et vise à faire de ce dernier le seul à pouvoir convoquer un concile œcuménique [6] et à ratifier les décisions prises par celui-ci.
Les débats s’engagent. Ils opposent les partisans et les ennemis d’Arius. Parmi les premiers, Eusèbe de Nicomédie, avec Arius affrontent en particulier Alexandre d’Alexandrie et Hosius de Cordoue (un des rares Occidentaux présent et dont le rôle est pourtant fondamental). Constantin Ier, présent, est décrit comme un spectateur attentif, tentant d’équilibrer les points de vues, voulant, dans son office de chef d’État, préserver l’homonoia ; la concorde, la fraternité.
Au terme de deux mois de débats passionnés. la majorité des prélats présents décide de réprouver Arius. L’assemblée proclame alors l’homoousios, c’est à dire le fait que la personne divine est, dans ses trois natures, strictement de même substance ; le Fils consubstantiel au Père, il existe de toute éternité. Il est dit alors, sous l’impulsion d’Hosius, « Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, engendré, non créé, de même substance que le Père ». Le concile s’achève en apothéose avec la fête des Vicennalia qui consacre 20 ans du règne de Constantin.

Des décisions du concile et de la persistance de l’arianisme

Les décisions de ce concile sont encore d’actualité dans le christianisme. Elles portent sur la définition de l’essentiel des croyances, le dogme chrétien qui devient infaillible, ainsi que sur le calendrier des fêtes religieuses. La date des principales fêtes, en particulier celle de Pâques, est fixée à cette occasion selon le calendrier julien, soit le dimanche après la Pâques juive. Celle de Noël ne sera établie que quelques années plus tard, en 354.
Le Credo, profession de foi chrétienne qui résume ses croyances principales est toujours fixée comme suit :

  • la croyance en un Dieu unique en trois personnes de même nature : Dieu le Père, créateur de l’Univers ; Jésus-Christ, son Fils ; et le Saint-Esprit, inspirateur des prophètes. (le mystère de la Trinité) ;
  • la croyance en l’incarnation humaine de Jésus, à sa mort et sa résurrection ;
  • la croyance en un jugement dernier à la fin du monde, où les hommes seront jugés puis connaîtront la vie éternelle ;
  • la croyance en la sainteté de l’Église et au baptême pour le pardon des péchés.

La condamnation de la pensée arianiste peut ainsi être considérée comme une adaptation du christianisme à Rome et à sa volonté unificatrice, l’Orient laissant de manière traditionnelle une plus large part aux interprétations divergentes. Mais les suites du concile amène à un assouplissement de ses décisions en ce qui concerne la pensée d’Arius. En effet, la notion d’homoousios a été acceptée de manière quelque peu forcée, sans que beaucoup de prélats ne soient véritablement d’accord avec cette vision, principalement parce qu’elle n’apparaissait pas dans les Écritures. Arius est ainsi rétabli dans ses fonctions dès 327, alors que dans le même temps ses contradicteurs les plus farouches sont destitués comme Athanase d’Alexandrie. D’ailleurs il faut noter que l’empereur lui-même est baptisé par Eusèbe de Nicomédie, un arien, en 337. L’expansion de l’arianisme ne fut donc en rien remise en question par le concile. Constance II, un des fils de Constantin, qui régna sur l’Orient romain entre 337 et 360 (et tout l’Empire entre 353 et 360) était un arien convaincu. Il faudra attendre le règne de l’empereur Théodose 1er pour que l’Eglise catholique et apostolique telle que définie par le concile de Nicée l’emporte définitivement sur l’arianisme. Un édit impérial de 380 déclare que : « Tous les peuples doivent se rallier à la foi transmise aux Romains par l’apôtre Pierre, celle que reconnaissent le pontife Damase et Pierre, l’évêque d’Alexandrie, c’est-à-dire la Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit », et le Concile de Constantinople en 381 condamne une seconde fois l’arianisme.

Des suites historiques majeures pour l’Église catholique

L’unité doctrinale engagée à Nicée et poursuivie par les trois conciles suivants consacrés à la nature du Christ, à la Trinité et à l’Esprit Saint [7] n’empêchera donc pas la persistance pendant plusieurs siècles de communautés importantes acquises aux thèses ariennes à Constantinople, au Proche-Orient et dans le monde germanique et de nouveaux débats théologiques (nestoriens, monophysites…) source de nouvelles ruptures, notamment avec les églises orientales « non chalcédoniennes » (copte, éthiopienne, syriaque, arménienne).
Mais cette unité, issue de la condamnation de l’arianisme a sans aucun doute été déterminante pour le développement de l’Eglise catholique romaine. Ulfila, l’évangélisateur des Goths qui traduisit la Bible en langue gothique était un arien. Cet événement a une portée gigantesque pour l’Église catholique ; les Wisigoths, par exemple, des ariens donc, après s’être installés sur un très vaste territoire, entre la Loire et Gibraltar, perdirent la domination entre Loire et Pyrénées face à Clovis, parce que ce roi Franc catholique possédait de très bonnes relations avec les évêques de cette région, majoritairement nicéens (donc catholiques), ce qui facilita sa conquête.
Cet événement historique fera de la France « la fille ainée de l’Église ».

Bibliographie pour aller plus loin :

  • Histoire de l’arianisme depuis sa naissance jusqu’à sa fin, avec l’origine et le progrès de l’hérésie des Sociniens. Louis Mainbourg, Mabre et Cramoisy - 2ème Édition (1673), ouvrage ancien consultable en médiathèques et bibliothèques.
  • L’empire chrétien, 325-395, André Piganiol. PUF, 1973.
  • Pouvoir et religions, de l’avènement de Septime Sévère au concile de Nicée , Jean-Pierre Martin. Sedes, 1998.
  • Le Concile de Nicée, Mgr Justin Fèvre. Editions Saint-Sébastien, 2016.

[1Version proposée par Lactance, la source la plus directe.

[2La religion chrétienne ne sera fait qu’officiellement religion d’État que plusieurs année plus tard, vers 380 par l’empereur Théodose Ier.

[3La doctrine d’Arius niait la consubstantialité du Fils avec le Père. Elle fut condamnée comme hérétique lors de ce premier concile de Nicée.

[4Plusieurs conciles portent le nom de « concile de Nicée ». On les différencie généralement par un numéro d’ordre.

[5Référence à Actes 15,28 : Interrogés sur les règles que doivent suivre les nouveaux chrétiens étrangers au judaïsme, les Apôtres et les anciens réunis à Jérusalem écrivent une lettre aux communautés d’Antioche et de Syrie qui commence par ces termes : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé ».

[6Les huit premiers conciles oecuméniques avaient été convoqués par l’empereur romain d’orient et d’occident.

[7Il s’agit des conciles Constantinople en 381, d’Ephèse en 431 et de Chalcédoine en 451.

Evénement
Solidaires !

L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, en 2025, il faut continuer d’agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de "l’opération spéciale" russe.

Informations
Opinion
Nos micro-trottoirs

«Quels signes ostensibles ?»

Découvrir

Tout savoir sur Croyances et Villes.

Découvrir


Une publication EXEGESE SAS, 14 rue du Cloître Notre-Dame 75004 Paris. N° SPEL 0926 Z 94013