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Santé et bien-être : les nouvelles dérives sectaires

Le 12 octobre dernier, Marlène Schiappa, Ministre déléguée, auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, a confié aux Directeurs généraux de la Police et de la Gendarmerie nationale, ainsi qu’au Secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), une mission d’analyse des dérives sectaires et les moyens de lutte mis en place sur le territoire national. Ce lundi 1er mars, ils ont remis officiellement leur rapport sur le phénomène. Il y apparaît qu’en 2020, 40% des signalements de dérives sectaires concernent des questions de santé ou de bien-être.

Avec la remise en cause du lien entre sectes et religion, initiée à la fin des années 1970, la secte n’est aujourd’hui plus comprise comme une idéologie religieuse minoritaire dissidente mais comme un groupe fermé, à visée délictuelle/criminelle ou poursuivant des intérêts personnels. Le rapport remis officiellement hier précise d’ailleurs que désormais dans l’approche du phénomène, le contenu doctrinal s’efface au profit du contenu comportemental. On passe ainsi de la notion de « secte » à celle de « dérive sectaire », appréhendée par les infractions qu’elle suscite, la notion d’ordre public devenant centrale (voir notre article ]). L’État a ainsi transformé le sectarisme, fait social, en question d’ordre public dans laquelle prime le critère de dangerosité. Mais aujourd’hui, nous ne sommes plus à l’époque des grandes sectes telles celles du Mandarom, du Temple Solaire ou encore du mouvement raëlien pour ne parler que des grandes sectes françaises. Celles qui se développent aujourd’hui sont surtout de petites entités. Et beaucoup prospèrent sur les secteurs économiquement porteurs de la santé et du bien-être.

Les signalements dans le domaine de la santé et du bien-être en augmentation

Les signalements dans le domaine de la santé et du bien-être représentent désormais 40 % des 3000 signalements effectués en 2020 (2.800 en 2019) auprès des forces de police et des associations spécialisées.

Source : Rapport "Les mouvements sectaires en France 2020" - Ministère de l’intérieur.

Ils émanent de l’ensemble du territoire national et notamment du milieu rural. Parmi ces signalements, le rapport cite notamment les coachings et stages de développement personnel payés à prix d’or (de 40 à 100.000 euros pour un coaching individualisé sur deux ans), des régimes drastiques comme le jeûne extrême préconisé par l’australienne Ellen Greve et dans lequel, au-delà de 21 jours il serait possible de se nourrir exclusivement de lumière et d’air. Le rapport signale que cette pratique a déjà entrainé une dizaine de décès à l’étranger et que ces 12 derniers mois, elle a fait l’objet de 3 signalements en France et est relayée par une demi-douzaine d’individus. Autre joyeuseté si l’on peut dire : le crudivorisme, promu sur youtube (près de 523 000 abonnés) par Thierry Casanovas. Ce « régime » qui consiste à consommer les aliments crus prospère sur la crise sanitaire en théorisant les idées complotistes de son auteur, une des personnalités les plus signalés : plus de 600 saisines ont été enregistrées à son encontre, dont 70 en 2020, comptabilise le rapport.
La pandémie mondiale pour Jean-Jacques Crevecoeur l’opportunité de dénoncer un complot de la 5G qui serait à l’origine de l’apparition du virus. Ce belge installé au Québec, farouchement anti-vaccin, (lors de la grippe H1N1, il s’était déjà prononcé contre), pousse aujourd’hui ses adeptes à refuser la vaccination contre le Covid.
Même la théorie de la collapsologie dont les adeptes les plus zélés se forment à la survie et se rapprochent de ce fait à la théorie du survivalisme, fait des victimes. Le rapport évoque des stages de survie proposés à la population qui ont d’ores et déjà fait une victime dans le Morbihan : Ulysse Tâm Hà Duong, 25 ans, y est mort intoxiqué par une plante.

Les dérives d’inspirations religieuses pas tout à fait en reste

Même si le rapport note que les signalements baissent concernant les sectes traditionnelles religieuses, il pointe tout de même un regain d’activisme chez certains mouvement déjà connus. Ainsi les Témoins de Jéhovah, profiteraient de la crise sanitaire Covid-19 pour faire du prosélytisme abusif auprès de la population, par courriers et courriels. Mais dans le domaine des religions, souligne le rapport, les plus prosélytes restent les églises Evangéliques. La MIVILUDES [1] a enregistré 383 saisines les concernant. Certaines de ces églises qui se développent grâce à des influences étrangères prônent le refus de l’égalité femme-homme, la diabolisation de l’homosexualité, des thérapies de conversion. Elles exerceraient des emprises sur leurs adeptes ; que ce soit sur des prétendues guérisons (en les poussant à arrêter leurs traitements) ou des prédations financières et sexuelles (exploitation par le travail, détournements) jusqu’à l’activisme politique des structures influencées par des courants internationaux. Le mouvement Qanon, soutenu par certaines églises Évangéliques américaines en est un exemple. Arrivé en France il y a deux ans, il se base sur des blogueurs qui diffusent des informations erronées et manipulées sur l’actualité française. Depuis début 2020, la MIVILUDES a reçu 10 signalements qui constatent l’emprise et l’endoctrinement de proches. Le groupe telegram QAnon France regroupe près de 4000 personnes, et la page Facebook comptait 30 000 membres avant qu’elle ne soi supprimée.
Le rapport cite encore le Centre d’accueil universel ou Église universelle du Royaume de Dieu (EURD) qui a fait l’objet de 40 saisines entre 2005 et 2020. Cette église brésilienne prône le jeûne et le paiement de la dîme, son principal lieu de culte se situe dans le Xe arrondissement de Paris. Paiement toujours, une Église en Ile-de-France (le rapport ne précise pas son culte) est aussi signalée pour forcer ses adeptes à faire des dons financiers conséquents. Elle aurait fait l’objet de 20 saisines. Enfin, le rapport fait état de 150 signalements concernant des pratiques d’exorcisme évangéliques et islamiques, s’apparentant parfois à des actes de torture.

Il ressort en conclusion de ce rapport que désormais les dérives sectaires touchent toutes les classes sociales ; les femmes, plus souvent en situation de précarité ou victimes de prédations sexuelles, étant particulièrement touchées. La dérive sectaire concernerait ainsi 140 000 personnes et parmi elles, 90 000 enfants et adolescents, souligne Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté.

[1Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (intégrée au CIPDR depuis août 2020).

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