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Dernière enquête Ifop sur les musulmans français et l’islam en France

La question de l’intégration des musulmans est récurrente dans le débat public, mais les enquêtes permettant de mesurer avec précision et dans la durée l’évolution du rapport à la religion au sein de cette population sont rares, voir inexistantes. Ce dernier sondage de l’Ifop réalisé auprès de plus de 1 000 personnes de confession musulmane, offre un éclairage inédit sur les transformations profondes qui traversent l’islam de France depuis quarante ans. En reconstituant des séries historiques remontant aux années 1980, cette étude met en exergue un phénomène de « réislamisation » qui affecte tout particulièrement les nouvelles générations et s’accompagne d’une progression préoccupante de l’adhésion aux thèses islamistes. Voici les points principaux du rapport rédigé par l’Ifop.

L’islam est la deuxième religion de France

Les chiffres de cette dernière enquête Ifop mesure une proportion de musulmans au sein de la population française adulte passée de 0,5% en 1985 à 7% en 2025. Cette croissance du poids des musulmans, lente mais régulière, fait donc aujourd’hui de l’islam la deuxième religion de France, certes loin derrière un catholicisme en forte baisse mais devant un protestantisme/évangélisme dynamique (4%, contre 1,5% en 1985). Selon les rédacteurs du rapport, ces données confirment globalement les tendances déjà observées auprès des moins de 60 ans entre 2008 et 2020 dans les études TÉO (INSEE-INED). La France n’échappe donc pas à la dynamique observée dans d’autres pays européens comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Belgique, où l’islam s’est également imposé comme la deuxième religion au cours des dernières décennies.

Religiosité et pratiques cultuelles progressent notamment chez les jeunes

Les musulmans affichent un degré de religiosité largement supérieur aux autres religions – 80% se déclarent « religieux », contre 48% en moyenne chez les adeptes des autres religions –, en particulier chez les jeunes : 87% chez les jeunes musulmans de 15 à 24 ans. Le sondage révèle qu’un musulman sur quatre (24%) se dit même « extrêmement » ou « très » religieux (contre 12% dans les autres confessions). Là aussi, cette religiosité intense culmine chez les moins de 25 ans (30%), révélant un écart générationnel qui inverse totalement les schémas classiques de sécularisation.
L’étude fait ainsi apparaître que la fréquentation des lieux de culte et la pratique de la prière ont largement augmenté en 40 ans, notamment chez les plus jeunes. Tout comme la fréquentation hebdomadaire de la mosquée qui est passée de 16% en 1989 à 35% en 2025, la pratique quotidienne de la prière a significativement augmenté entre 1989 (41%) et 2025 (62%), atteignant elle aussi des sommets chez les jeunes de moins de 25 ans : 40%,contre 24% chez les 50 ans et plus.
De même, le respect des injonctions alimentaires est lui aussi plus assidu qu’il y a quarante ans, notamment dans les générations les plus jeunes. En effet, l’enquête rapporte que l’observance de jeûne du Ramadan pendant tout le mois s’avère particulièrement stricte (à 73%, contre 60% en 1989), en particulier chez les jeunes où ce pilier de l’islam est devenu quasi général (83% chez les jeunes de 18 à 24 ans). Cette austérité des pratiques alimentaires s’illustre aussi dans la non-consommation d’alcool : l’étude comptabilise 79% d’abstèmes en 2025, contre 65% en 1989 tandis que la consommation d’alcool tombe à 12% chez les jeunes de moins de 25 ans.

Voile, mixité, montée de l’orthopraxie

Le haut degré de religiosité va de pair avec une montée de l’orthopraxie alimentaire, vestimentaire et des règles des relations entre les sexes souligne le rapport de l’Ifop. Bien que le port du voile reste une pratique à la fois minoritaire et irrégulière chez l’ensemble des musulmanes (31% le portent mais seulement 19% systématiquement), il se banalise de plus en plus chez les jeunes : une musulmane sur deux âgée de 18 à 24 ans se voilent aujourd’hui (45%), soit trois fois plus qu’en 2003 (16%) - année du grand débat sur son interdiction dans l’École publique.
Le voilement qui est avant tout le fruit d’une injonction religieuse (80%), exprime aussi la revendication grandissante d’une identité religieuse, une fierté d’appartenance croissante comme le qualifie les rédacteurs. Les musulmanes sont 38% à le porter pour montrer « leur appartenance à leur religion » et un besoin de protection face aux pressions pesant sur les femmes dans l’espace public : 44% disent le porter pour « ne pas attirer le regard des hommes », 42% pour « se sentir en sécurité », 15% pour « ne pas être perçue comme une femme impudique », et 2% sous la pression directe de proches ».
Le respect de certains interdits religieux liés à la mixité entre les sexes est aussi un autre indice de la montée de l’orthopraxie chez les musulmans et les musulmanes vivant en France. En rupture avec le libéralisme des mœurs dominant en Occident, l’application d’un séparatisme de genre apparaît dans le rapport Ifop comme loin d’être marginale : 43% des musulmans refusent au moins une forme de contact physique ou visuel avec l’autre sexe dont un sur trois (33%) refuse de faire la bise, 20% refusent d’aller dans une piscine mixte, 14% de serrer la main à une personne de l’autre sexe, et 6% de recevoir des soins par un médecin de l’autre sexe. Or, alertent les rédacteurs, la force de ce rejet de la mixité chez les jeunes laisse augurer une rigidification des rapports de genre au fil du renouvellement des générations.

La loi islamique plutôt que la loi française

La capacité croissante de l’islam à fixer des règles de vie quotidienne de ses fidèles, c’est à dire à les établir dans un rapport de plus en plus étroit aux Écritures et aux préceptes qu’elles contiennent, va à rebours des tendances observées dans les autres religions. Les rédacteurs soulignent que cette forme d’« absolutisme religieux » transparaît dans un large rejet de la science : 65% des musulmans pensant que « c’est plutôt la religion qui a raison » par rapport à la science sur la question de la création du monde, soit plus de trois fois plus que dans les autres religions (19%).
Cette approche intégraliste de l’islam se traduit aussi avec l’idée selon laquelle les règles de sa religion priment sur les autres. Dans un arbitrage sur des sujets comme l’abattage rituel ou l’héritage, la proportion de musulmans qui privilégieraient le respect des règles de leur religion a ainsi fortement progressé en trente ans (+16 points depuis 1995, à 44%) tandis que ceux qui privilégieraient les lois françaises s’avèrent, eux, en net retrait par rapport à 1995 (49%, soit -13 points ).
Autre signe d’une certaine vision intégraliste est celle du rôle de la charia : près d’un musulman sur deux (46%) estime que la loi islamique doit être appliquée dans les pays où ils vivent, dont 15% « intégralement quel que soit le pays dans lequel on vit » et 31% « en partie » en l’adaptant aux règles du pays où on vit.

L’évolution de l’islam en France : une orientation « intégriste » 

Largement, plus répandu que dans les années 90, selon les rédacteurs du rapport de l’enquête, l’islamisme s’impose aujourd’hui comme un courant de pensée multiforme, dominé par le frérisme. Le rapport indique que l’intégrisme a gagné les esprits de plus d’un musulman sur trois : 38% des musulmans approuvent tout ou partie des positions « islamistes » en 2025, soit une proportion deux fois plus élevée que ceux qui partageaient des positions « intégristes » il y a une trentaine d’années (19% en 1998).
En France, la mouvance islamiste hexagonale est traversée par de multiples courants, que surplombe l’influente confrérie des Frères musulmans : un musulman sur trois (33%) affiche de la sympathie pour au moins une mouvance islamiste, dont 24% pour les Frères musulmans, 9% pour le salafisme, 8% pour le wahhabisme, 8% pour le Tabligh, 6% pour le Takfir et 3% pour le djihadisme. Un jeune sur trois (32%) se disent proches du courant de pensée des Frères musulmans, signe d’une influence dans les nouvelles générations, qui contredit l’idée d’un vieillissement de cette mouvance.

Le point de vue de François Kraus, directeur du pôle « Politique / Actualités » de l’Ifop

Cette enquête dessine très nettement le portrait d’une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste.
Au lieu de suivre le modèle habituel de sécularisation, les musulmans de France, et tout particulièrement les plus jeunes, témoignent au contraire d’une forte réaffirmation identitaire passant par l’intensification des pratiques cultuelles, la rigidification des rapports de genre, et l’adhésion croissante aux thèses islamistes.
Car ce qui frappe dans ces résultats, c’est surtout la constance du gradient générationnel : sur presque tous les indicateurs (religiosité, pratiques cultuelles, voile, refus de la mixité, rejet de la science, primauté de la loi religieuse, adhésion à l’islamisme), les jeunes musulmans se montrent systématiquement plus rigoristes et plus radicaux que leurs aînés. Cette tendance suggère que, loin de s’atténuer avec le temps, le processus de réislamisation et de radicalisation va au contraire s’amplifier au fil du renouvellement des générations.
Reste à savoir si cette dynamique est réversible. L’enquête suggère qu’à ce stade, rien ne semble enrayer ce processus de réislamisation et de radicalisation. Au contraire, tous les indicateurs convergent vers un renforcement de ces tendances dans les années à venir. Dans ce contexte, la question de l’intégration des musulmans de France et de leur adhésion aux valeurs républicaines se pose avec une acuité nouvelle, appelant des réponses politiques qui dépassent largement les seules approches sécuritaires ou répressives.

Pour accéder aux chiffres de cette dernière enquête Ifop, c’est ici

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