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  • Publié le 8 octobre 2017
  • Mise à jour: 2 janvier 2021

Claude Vivier Le Got : Il n’y a qu’une Europe, celle dont l’économie de la connaissance est la plus efficace. Celle qui s’enorgueillit d’être en paix depuis deux générations

Présidente de la Fédération Européenne Des Écoles (FEDE) depuis 2015, Claude Vivier Le Got a pris l’initiative d’organiser le 7 novembre prochain à Paris, une journée d’étude ayant pour thème : Éducation, fait religieux et entreprise. Rencontre avec cette entrepreneuse acharnée du savoir-faire et du savoir-être élue en juin 2017 présidente de la commission Éducation & Culture du Conseil de l’Europe.

Claude Vivier Le Got, quelles sont les spécificités de la Fédération Européenne des Ecoles (FEDE) que vous présidez ?

Tout d’abord , je voudrais rappeler, car nous ne le faisons pas assez souvent, il n’y a qu’une Europe, celle dont l’économie de la connaissance est la plus efficace. Celle qui s’enorgueillit d’être en paix depuis deux générations. Celle que le monde entier nous envie par l’attractivité que son enseignement supérieur et professionnel exerce sur tous les continents. La FEDE qui est un réseau de 500 établissements d’enseignement supérieur et professionnel fonctionne conformément au modèle européen. Elle place l’internationalisation et la professionnalisation au centre de tous ses cursus. Tous les diplômes sont donc basés sur les crédits ECTS, cette norme de notation qui a créé de la mobilité dans l’enseignement européen. Tous les cursus comportent obligatoirement l’apprentissage d’une langue européenne en complément de la langue nationale ainsi que des cours sur la citoyenneté et les institutions européennes. En proposant une offre de formation diplômante, professionnalisante, appréciée des acteurs européens, les écoles FEDE participent à un grand projet : celui de créer un vaste espace de l’enseignement supérieur en Europe et plus globalement dans le monde.

Vous venez de prendre la présidence de la commission Education & Culture de la conférence des OING du Conseil de l’Europe, c’est une nouvelle responsabilité, comment s’articule-t-elle avec votre fonction à la FEDE et quels sujets comptez-vous défendre ou proposer ?

Le Conseil de l’Europe prône depuis longtemps l’éducation tout au long de la vie, la formation en entreprise. C’est une excellente cause, mais je pense que l’on devrait aller plus loin dans cette voie et notamment instaurer des droits à la mobilité comme d’avoir le choix de son lieu d’éducation, la proposition d’enseignements qui ne sont pas présents aujourd’hui.
Il ne s’agit pas de défendre l’éducation comme un service mais comme un droit auquel les jeunes ont accès. Étant dans le cadre des enseignements de la FEDE, très proche des entreprises, je vois aussi l’intégration par le travail comme un droit fondamental car celui qui ne travaille pas est de fait en exclusion sociale. Mais l’entreprise et l’emploi ne sont pas des thèmes traités aujourd’hui par le Conseil de l’Europe. À mes yeux, il serait important de les mettre en débat, d’en faire un droit fondamental.

Cela nous ramène au thème de la journée d’étude du 7 novembre prochain où l’éducation est placée en vis à vis de l’entreprise au travers des problèmes de religion et du fait religieux. Vous même êtes-vous croyante et quelles sont les raisons qui ont conduit la réalisation d’une telle journée ?

J’ai été éduquée par les prêtres et les religieuses des écoles catholiques de Bretagne. Je suis donc de foi catholique mais pas pratiquante ; les valeurs chrétiennes j’y adhère, les croyances chrétiennes beaucoup moins. Mais, aujourd’hui, tout semble nous ramener à la religion que ce soit les relations internationales ou le débat social comme par exemple celui sur la gestation pour autrui. Cependant un paradoxe apparait : en dépit de cette omniprésence, nous avons du mal à penser la religion, à faire la distinction entre les termes de religieux, de religion ou bien encore de spirituel.
Ce qu’il faut absolument retenir à l’école comme dans l’entreprise ou encore dans la rue c’est que la religion relève de la sphère privée. Quand nous rencontrons quelqu’un, connaître sa religion n’est pas important, ce qui est important est ce qu’il est, ce qu’il fait. Dans notre réseau, chacune des écoles de la FEDE gère elle même les problèmes avec la religion, car suivant les pays les législations diffèrent. En l’occurence, excepté les fêtes de Noël et de Pâques, les dates de nos examens sont fixées de manière totalement indépendante du calendrier des fêtes et des pratiques religieuses comme par exemple le samedi pour le shabbat des juifs ou la période du ramadan pour les musulmans. Jusqu’ici cela n’a posé aucun problème.
Avec 280 établissement en France, bien sûr nous avons des remontées d’informations sur la manifestation de signes religieux comme le port du voile ou la casquette qui cache la Kippa. Ces signalements sont le fait de pro- fesseurs qui ne le supportent pas. Au Maroc, où nous avons beaucoup d’écoles où l’on porte le voile, notre position ne souffre d’aucune inflexion : elle est celle des Droits de l’Homme. Et en ce qui concerne le respect des droits de l’homme, la FEDE veille avec chaque école au respect de la liber- té de conscience et de croire pour tous et pour chacun. S’il n’est pas possible d’empêcher une personne de pratiquer, le prosélytisme n’est pas tolérable. Tous ces sujets sont en effervescence dans tous les lieux et domaines de la société, d’où notre choix d’organiser cette journée d’étude consacrée à l’éducation, au fait religieux et à l’entreprise.

Ces sujets seront-ils remontés au niveaux de la commission Éducation et culture ?

Comme vous pouvez le constater le mot religion ne figure pas dans l’intitulé de la commission. Pourtant jusqu’ici il n’ y a que le dialogue interculturel limité aux religions qui y soit traité. Cela fait depuis longtemps que la commission ne traite plus de sujets liés à la culture. Je ne voudrais donc pas seulement travailler sur le dialogue interculturel mais plutôt sur les cités interculturelles qui accueillent différents types de population. L’interculturel devient alors un travail sur la culture populaire, la culture immatérielle. Après 10 ans de dialogue interculturel je voudrais que nous passions au travail sur la cité interculturelle.

Qu’entendez vous par cité interculturelle ?

Aborder la cité interculturelle ce n’est pas travailler la dimension internationale de la cité, ses relations avec les autres villes, le jumelage. Non. C’est un travail sur la relation entre voisins, entre habitants d’une même ville. C’est un problème récurrent de voisinage qui n’est jusqu’ici pas réglé car justement il se heurte au plafond de verre de cette politique du jumelage. Le constat est pourtant là : en moins de deux générations l’Europe deviendra très diverse. Beaucoup de migrants arrivent. Soit on les accepte et on les accompagne, soit on nie le problème : la cité interculturelle accompagnera le phénomène de diversité en Europe. Ses critères sont la liberté des idées, la liberté de penser, la notion de rencontre, le partage d’histoire, de récit. La cité interculturelle est la démocratie locale et nationale avec une éducation citoyenne, une éducation au che- min de l’Europe comme nous la pratiquons au sein du réseau des écoles de la FEDE. Les idées ont cheminé sur les routes de l’Europe (routes artistiques, économiques,...). Tous ces chemins sont des voies empruntées aujourd’hui par les migrants. Mais tous ces thèmes, nous ne pouvons que les suggérer au Conseil de l’Europe. C’est lui qui décide ensuite si nous pouvons les traiter.

Si nous revenons à la formation tout au long de la vie que prône le Conseil de l’Europe, quelle interaction doit exister entre l’école et l’entreprise ?

La production, la rentabilité d’une entreprise est fonction de celle de ses salariés ; la formation régule cette équation. Aujourd’hui, dans le marché de l’emploi européen, cela pose la question de l’équilibre de la formation professionnelle entre pays. Je ne parle pas que du niveau mais aussi des conditions d’accessibilité, d’exécution et de reconnaissance de la formation. Le droit à l’éducation est de faire en sorte que les entreprises permettent à leurs salariés de s’absenter par période pour passer un doctorat par exemple (ne pas travailler sur l’acquisition d’un savoir pratique mais plus sur l’intelligence). C’est ce que nous faisons à la FEDE, nous permettons aux salariés de venir dans les établissement d’enseignement apporter leur témoignage ou du contenu professionnel mais en en demandant aux entreprises que cela soit fait sur leur temps de travail (ce que la loi n’autorise pas aujourd’hui). Il ne s’agit pas ici de brader le statut d’enseignant car la pédagogie est une science. Mais mon rêve est bien de voir tout salarié disposer d’un droit annuel de trois heures rémunérés pour intervenir en tant que conférencier -métier dans les établissements d’enseignement. A notre niveau, nous essayons déjà de faire reconnaître ce droit par des fédérations d’entreprises. Nous faisons énormément pour insérer des jeunes dans les entreprises, pour leur retirer leur inquiétude vis à vis de l’entreprise, de les y familiariser le plus tôt possible. Dans le même temps nous voyons qu’il faut aller plus loin avec les entreprises pour les aider à donner une meilleure image d’elles. Cela passe donc aussi par leur venue dans les classes pour témoigner et montrer ce qu’elles sont et ceci entre dans le cadre des trois heures de présence citées plus haut. Il faut faire revenir l’organisation économique et sociale dans l’école (entreprises, associations) pour aiguiser chez les jeunes la curiosité, l’envie et l’utilité d’apprendre. Il en va d’une société prospère et apaisée conforme au projet et aux valeurs de l’Europe [1].

[1Claude Vivier Le Got est auteur de La culture, un métier, une passion, Editions du Scorff, Pont Scorff 1997, Manager culturel - Collection les Métiers – Edition Profession Culture - Paris 2010, Les métiers du management de l’art - Collection Angle Public – Edition WEKA- Paris 2013.

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