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Projet de loi sur le respect des principes de la République

La CNCDH rappelle que les libertés fondamentales sont au cœur du respect des principes de la République

Alors que les députés ont entamé lundi le débat sur le projet de loi « confortant le respect des Principes de la République », la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) dans un premier avis très critique alerte les parlementaires sur un texte qui risque de fragiliser les principes républicains au lieu de les conforter. Jean-François Benard, l’un des rapporteurs de l’avis éclaire quelques unes de ces critiques.

Au regard des enjeux que le projet de loi « confortant le respect des Principes de la République », présente pour la protection des droits et libertés, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) regrette en premier lieu de ne pas avoir été saisie pendant la préparation du projet. Elle s’inquiète aujourd’hui de la précipitation qui a présidé à l’élaboration de ce texte et du recours à la procédure accélérée, mais également de son instrumentalisation dans un contexte tendu sur fond d’assimilations hâtives et souligne qu’en multipliant les contraintes et les sanctions à l’encontre de toutes les associations et religions, le projet de loi prend le risque de fragiliser les principes républicains au lieu de les conforter. Si l’objectif de mieux lutter contre le fanatisme criminel est légitime, explique Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH, il ne saurait justifier la mise en place de mesures disproportionnées qui portent atteinte aux libertés fondamentales, au cœur du pacte républicain et démocratique.
Analysant le projet de loi au regard du respect des libertés d’association, d’expression, de l’enseignement et de culte, la CNCDH conclut son avis par neuf recommandations qui invitent notamment à abandonner le contrat d’engagement républicain, à différer les dispositions relatives à la lutte contre la haine en ligne en attente du « Digital services act » et à ne pas modifier le dispositif d’encadrement des établissements privés hors contrat.

Préserver la liberté d’association

L’instauration d’un « contrat d’engagement républicain » pour toute association bénéficiant ou souhaitant bénéficier de subventions de l’Etat va faire naître un climat généralisé de méfiance envers des associations comme la Cimad ou le Secours catholique qui ont un rôle fondamental pour faire vivre les valeurs de la République, souligne Jean-François Benard, membre expert de la Fondation ACAT et co-rapporteur de l’avis avec Emilie Trigo (UNSA). Il pointe aussi la difficulté que pose le respect des obligations édictées par le texte. La CNCDH a suivi de près leur évolution depuis la première version du texte référant au respect des valeurs de la république, une formule jugée trop imprécise pour le Conseil d’État, jusqu’à la présentation du projet en Conseil des ministre, le 9 décembre, où il était désormais question de « respect des principe de la république et de sauvegarde de l’ordre public ». Cette dernière version faisait des associations signataires des collaborateurs de la police, souligne-t-il – en saluant le travail de la commission spéciale de l’Assemblée nationale qui a amendé le texte pour en revenir au respect de l’ordre publique. Mais cela fait-il de ce contrat un principe acceptable ? Un contrat est-il nécessaire pour respecter la loi ? Jean-François Benard témoigne de l’expectative de la CNCDH qui interroge le sens de cette demande de consentement au respect de la loi dont le contenu inclut le concept d’ordre public. Le rapporteur rappelle que ce concept a déjà été utilisé au moment du vote de la loi de 2010 sur le port du vile intégral dans l’espace public, et qu’il avait été alors ramené à la notion de « règles minimales de la vie en société ». Mais quelles sont les exigences minimales sur la vie en société ? : « personne ne le sait » défend-il. Ce qui est en revanche certain affirme le rapporteur, c’est que le contrat engagerait les associations sur quelque chose dont personne ne peut leur donner le contenu mais pouvant d’un autre côté les priver de subventions. C’est pour cela conclut-il que la CNCDH recommande l’abandon du Contrat d’engagement républicain tout comme le Conseil d’État qui s’est aussi exprimé sur ce dispositif pour indiquer qu’il ne se justifiait pas.

Préserver la liberté d’expression

Dans la prolongation de l’avis qu’elle a rendu sur la loi dite « Loi Avia », la CNCDH déplore l’imprécision tant sur la définition du délit de mise en danger de la vie d’autrui que sur celle des sites miroirs. Elle alerte sur la nécessité de respecter les principes garantissant la liberté de la presse et recommande de différer les dispositions relatives à la lutte contre la haine en ligne jusqu’à l’adoption du Digital Services Act au niveau européen. Elle annonce travailler à une analyse détaillée du sujet qui sera présentée dans le cadre d’un avis sur la lutte contre la haine en ligne prévu pour le 2ème trimestre 2021.

Préserver la liberté d’enseignement

Le passage d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation préalable limite la liberté d’enseignement, pourtant reconnue dans de nombreux textes internationaux, et qualifiée en France de principe fondamental depuis 1977. La CNCDH rappelle que, parmi les parents qui font le choix de l’instruction en famille, certains y sont contraints, faute de dispositif adapté à leurs enfants ou d’établissement scolaire proche du domicile. Concernant les écoles privées hors contrats, la CNCDH considère qu’il est nécessaire d’attendre qu’un premier bilan soit fait de la mise en œuvre de la « loi Gatel » qui prévoit un renforcement de l’encadrement de ces établissements. La CNCDH recommande l’abandon du régime d’autorisation préalable prévu par le projet.

Préserver la liberté de culte

C’est une nouvelle fois la méfiance qui semble présider à l’instauration d’une obligation supplémentaire pour les associations cultuelles de renouveler leur déclaration préalable auprès du préfet tous les cinq ans. Doutant de la constitutionnalité de cette disposition qui en outre, créerait des catégories nouvelles d’associations loi 1905 : celles qui ne seraient pas agrées par les préfets et qui ne bénéficient donc pas des avantages, la CNCDH en recommande purement et simplement le retrait.
La recommandation N°8 de l’avis peut en revanche étonner en ce que la CNCDH y recommande que soit maintenu le fonctionnement actuel du régime des cultes en Alsace-Lorraine et dans les Outre-mer. Jean-François Benard explique cette position de la CNCDH par le fait qu’elle ne peut que constater la disparité actuelle du régime des cultes dans la République française qui essaie par ailleurs, souligne-t-il, de tenir compte des particularités régionales et locales – « Toucher à l’ordonnance de Charles X qui organise les cultes en Guyane ce n’est pas rien pour une partie de la population locale qui y est très attachée », prévient-il, appelant à la prudence ceux qui militent pour l’extension de la loi de 1905 et l’évolution du cadre juridique de ces territoires, qui n’est cependant pas immuable à ses yeux.

Retisser le lien entre la République et celles et ceux qui y habitent

Lutter contre celles et ceux qui font de la République leur ennemi ne devrait pas se faire en renforçant la suspicion plaide au final la CNCDH en soulignant qu’il est fondamental de recréer la confiance dans les promesses d’une société laïque, démocratique et sociale, et de mettre en œuvre une stratégie de prévention favorisant l’intégration et la mixité sociale. C’est pourquoi, face à ce vaste chantier, en principe couvert par le projet de loi, la CNCDH déplore le recours à la procédure accélérée, estimant que la précipitation a présidé à l’élaboration d’un texte ayant un impact majeur sur les libertés fondamentales, et surtout qui change assez substantiellement la loi de 1905 « alors que personne ne demandait rien » rappelle Jean-François Benard.

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