«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 22 avril 2022

Campagne présidentielle : et la séparation des Églises et de l’État ?

Mercredi soir, la laïcité figurait au menu du « grand débat » du second tour des élections présidentielles, une soirée que l’on nous annonçait exceptionnelle, déterminante,..., pour nous décider. Lors de ce face-à-face télévisé, Marine Le Pen est sortie du flou sur l’interdiction du voile en confirmant vouloir interdire le foulard islamique dans l’espace public, Emmanuel Macron l’accusant en retour de pousser le pays à « à la guerre civile ».
En cela il a raison. Les guerres les plus atroces et les plus meurtrières ont été - et sont encore - des guerres civiles d’origine religieuses. Les huit guerres de religions qui se sont succédées dans le royaume de France de 1562 à 1598 ont été l’un des épisodes les plus terribles de notre histoire. Et ce n’est malheureusement pas de l’histoire ancienne à l’échelle du monde. Au tournant du second millénaire, symbole de l’époque moderne s’il en est, au moins quatre conflits avaient des causes ethno-religieuses, le Kosovo (orthodoxes/musulmans), le Cachemire (musulmans/hindous), le Timor-Est (musulmans/catholiques) et la Tchétchénie (orthodoxes/musulmans). Et Aujourd’hui ? L’invasion de l’Ukraine par le président Vladimir Poutine s’enracine dans une version totalitaire du fondamentalisme religieux ethno-philosophique orthodoxe connu sous le nom de « Monde russe » , Au Yemen, depuis 2015, une coalition arabe (musulmane sunnite) sous bannière saoudienne mène, sur demande du président Abdrabbo Mansour Hadi, une intervention militaire au Yémen contre une insurrection des Houthis, un groupe ethnique issu du zaïdisme (branche du chiisme qui représente plus de 30% de la population), potentiellement soutenu par l’Iran.

Combien encore de conflits dans le monde, comme l’Afghanistan, la Syrie, ont des origines, des causes, des buts religieux ? Et combien de pays où les structures politiques et de gouvernement sont directement liées à la religion, à des religions, sombrent et font sombrer leur population dans la division, la pauvreté, le népotisme et la corruption - l’actuel chaos du Liban dont on peut espérer que les législatives du 15 mai y mettent fin, en est, de ce point de vue, un des résultats les plus édifiants - quand ils ne mènent pas des politiques allant à l’encontre des droits et libertés humaines les plus élémentaires (Iran, Arabie Saoudite, ...) où ne persécutent pas des minorités et groupes ethniques en raison de leur religion comme le fait actuellement à l’encontre des chrétiens, musulmans, bouddhistes, le nationalisme Hindou porté par le premier ministre Narendra Modi. L’irruption du religieux dans la gouvernance du monde est planétaire et s’il fallait encore s’en convaincre au vu de ce court bilan, délétère pour la démocratie, pour les droits humains, la liberté de conscience et la liberté d’expression, le pluralisme. L’absence de séparation claire et organisée des Églises et de l’État, du principe d’abstention et de liberté, y conduit partout à la guerre.

Et en France, au pays des Lumières, que lit-on dans nos journaux au moment décisif de notre vie démocratique, à la veille de l’élection de notre président : « La Grande Mosquée de Paris organise un iftar en soutien à Emmanuel Macron ». On apprend ainsi dans un article du quotidien La Croix que le recteur Chems-Eddine Hafiz, a organisé mardi 19 avril, une rupture du jeûne de Ramadan en soutien à la réélection du candidat sortant. L’événement, prévu dans le restaurant de la Mosquée « ne devrait pas constituer d’entrave à l’interdiction de réunions politiques dans des lieux de culte » précise le quotidien. Le lendemain , l’Église protestante unie de France appelle, dans un communiqué publié mercredi 20 avril 2022, le jour du débat, « à faire barrage aux propositions » du RN, dont Marine Le Pen est la candidate pour le second tour de la présidentielle. L’Église catholique peine à rejoindre le concert ? Qu’importe le Monde s’en charge. Dans son édition du 20 avril, le quotidien titre « Présidentielle 2022 : la discrétion de l’Eglise catholique face à l’extrême droite ». Il dénonce la Conférence des évêques de France qui se contenterait « d’inviter à voter ’’en conscience, à la lumière de l’Evangile et de la doctrine sociale de l’Eglise’’, comme si elle renvoyait dos à dos Emmanuel Macron et Marine Le Pen », ajoutant que des formules plus fortes seraient bienvenues à l’heure où pourraient être remises en cause les valeurs d’égalité, de respect et de tolérance qui fondent notre société. Oui c’est vrai. Mais il en manque deux ici : la liberté et la fraternité qui sont dans notre société soutenue par la laïcité qui a séparé le politique du religieux. Alors oui, dans notre société, on peut attendre des religions qu’elles fassent des tribunes sur des devoirs et des notions qu’elles prônent et que tout le monde est appelé à partager comme la miséricorde, la générosité, la nécessité de préserver la nature et la création, mais aussi l’amour de l’autre qui banni l’anti-sémitisme et le racisme, mais pas qu’elles donnent des consignes politiques, des consignes de vote, qu’elles pèsent en tant qu’institutions sur la vie politique de notre pays. Cela ce n’est plus possible depuis la loi de 1905. Il faut sans cesse le dire et le défendre. C’est notre héritage de paix dans un monde de guerre.
Toujours à la veille de ce second tour de l’élection présidentielle, le quotidien La Croix a sondé les motivations et l’état d’esprit des fidèles catholiques. Si certains s’apprêtent à voter contre Marine Le Pen au nom de « l’accueil de l’étranger » écrit le journal, d’autres motivés par les questions de bioéthique appellent à faire barrage à Emmanuel Macron. Dans le même temps le journal fait savoir que « de nombreux catholiques engagés et mouvements chrétiens ont lancé, ces derniers jours, divers appels à ne pas accorder son suffrage à Marine Le Pen ». Des positions, indique le journal qui « tranchent avec la réserve observée par la quasi-totalité des évêques de l’Hexagone ». C’est la réalité des faits. Très justement rapportés.

Il me semble que dans ce monde où diverses formes de tyrannie moderne tentent de supprimer les libertés dont la liberté religieuse en lui retirant droit de cité dans la sphère publique, ou encore tentent d’utiliser la religion comme prétexte à la haine et à la brutalité, il est normal et nécessaire que les responsables des diverses traditions religieuses unissent leurs voix pour appeler à la paix, à la tolérance, au respect de la dignité et à tous les droits des autres, mais sans se mêler de politique.
Voilà, c’est cela notre République démocratique et laïque, la liberté de conscience qui s’applique à chacun et qui ne se confond pas mais s’additionne le cas échéant, pour ceux qui le souhaitent, avec la liberté de culte et n’est jamais opposée à la liberté d’expression de chacun.
Pour avis aux candidats et à leurs électeurs et bon vote à tous en votre âme et conscience !

Evénement
Solidaires !

L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

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