«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 24 avril 2023

La société laïque passe par l’école publique

Chaque société a une culture dont les racines dominantes sont généralement religieuses. L’Europe en tant qu’espace géographique rassemblant des nations avait et conserve un éthos judéo-chrétien. Dans cet espace, la France s’est forgée jusqu’à la révolution un éthos catholique. Le Concordat viendra rétablir en France un certain équilibre entre le judaïsme et la chrétienté et confirmera l’idée et la possibilité d’une coexistence régulée, acceptée et apaisée des religions.
C’est dans l’octroi de cette liberté de croire qu’est née celle de ne pas croire dont la revendication a grandi au gré des changements de régime politique jusqu’à l’avènement de la IIIe République. La naissance de cette dernière relance alors le combat politique en faveur de l’abandon de la religion comme source dominante des mœurs, comme référence morale des institutions. Le programme de Belleville, prononcé par Gambetta alors qu’il est candidat aux élections législatives, en avait fait, dès 1869, l’un des axes majeurs du discours radical républicain. À cette date, la France compte plus de prêtres et de religieux que sous Louis XVI, pour une population à peine supérieure. Les trois quarts des missionnaires catholiques dans le monde sont français et les congrégations religieuses comptent beaucoup plus d’élèves que les écoles publiques.
Mais si Gambetta fut le premier à instituer la primauté républicaine sur l’Église, c’est Jules Ferry qui confectionnera à partir de 1879, le socle sur lequel naîtra le système éducatif français et une autre liberté fondamentale, celle de pouvoir s’instruire. Tous les degrés d’enseignement furent concernés depuis l’école primaire (rendue gratuite et obligatoire) jusqu’à l’université (la loi du 18 mars 1880 interdit aux établissements privés de prendre le titre d’Université et l’État retrouve le monopole de la collation des grades universitaires), en passant par le secondaire avec la création d’un enseignement pour les jeunes filles.
C’est cette institution scolaire gratuite et obligatoire, prônant l’égalité de tous devant l’instruction, que des gouvernements successifs de toutes majorités politiques mettent à mal en ne regardant que son coût budgétaire et politique (électoral). Oser reprendre la réflexion originale sur liberté, égalité et fraternité, qui ont orné les frontons des écoles d’antan et donné un sens nouveau au savoir et à la connaissance, revenir sur l’effet recherché de ses valeurs notamment celle de cohésion sociale soutenue par l’égalité de l’instruction et par l’État semble être devenu un anathème ou totalement anachronique. Car ne nous y trompons pas, si aujourd’hui le gouvernement élargit son Conseil des sages de la laïcité, c’est qu’il est nécessaire d’y être plus nombreux pour mieux constater et mesurer les effets grandissant de cet abandon par l’État de l’École publique. Toutefois il serait bon de se souvenir que l’école laïque et républicaine a été bâti et fonctionnait avant la que loi de la séparation des Églises et de l’État n’existe. Déjà encadrée par les lois de Jules Ferry, elle aurait même pu s’en passer.

Ce n’est que par l’aveuglement contre-révolutionnaire de la hiérarchie catholique et la position clairement antirépublicaine d’un certain nombre de congrégations religieuses (l’attitude adoptée par les assomptionnistes associés aux forces antisémites et hostiles à la République lors de l’« Affaire Dreyfus ») et plus largement l’attitude de combat que l’Église adoptait à l’égard des mesures de réforme de l’enseignement et de l’encadrement juridique des congrégations (loi du 1er juillet 1901) que la séparation est devenue inéluctable. Les sujets de discorde ne manquaient pas. Ils conduisirent à la rupture des relations diplomatiques entre le Vatican et la France et au constat, corrélatif, de la caducité du Concordat ouvrant alors à la séparation entre les Églises et l’État entérinée par la loi du 9 décembre 1905. Plus tard, lorsque, en 1946, le principe de laïcité acquiert une valeur constitutionnelle, à l’exception de quelques nostalgiques du combat antirépublicain, l’ensemble des forces politiques, sociales et religieuses considèrent cette consécration comme naturelle. Alors comment expliquer qu’aujourd’hui cette inscription de la laïcité dans notre constitution, à la racine de la République ne soit pas soutenue budgétairement par l’État et politiquement par les institutions qui incarnent son pouvoir. L’État, puissance normative et unificatrice ne doit-il pas à tout prix assurer et maintenir l’égalité au sein de la République ? L’École publique, comme ce fut à une époque le rôle du service militaire abandonné pour des raisons essentiellement budgétaires, est le principal creuset de cette égalité. Elle est l’athanor républicain qui contrebat la montée de l’individualisme qui donne à l’individu plus d’importance qu’à la communauté, qui le rend plus digne (à être lui-même) en étant différent (et séparé) des autres.

La religion est un élément fondamental de la dignité humaine. C’est indéniable. Les religions encouragent généralement leurs adeptes à avoir un comportement éthique et à respecter les lois. Les adeptes religieux s’efforcent d’obéir aux lois et de respecter l’autorité de l’État et la société en bénéficie, car elle compte des citoyens qui se comportent bien et qui contribuent à son bien‑être. La religion favorise par conséquent une responsabilité morale. Toutefois l’appartenance religieuse ne s’inscrit dans le principe d’égalité républicaine mais dans celui de la liberté.
Ce que la République et l’école publique réclament d’exercer ce n’est pas le principe néo-libéral « d’égale liberté », premier principe de la théorie de la justice de John Rawls où l’efficacité s’impose à l’égalité pour satisfaire les libertés individuelles.
En matière d’école publique, comme d’hôpital public, ce modèle conduit à l’échec. Il suffit d’observer les effets de la carte scolaire, de corriger des copies d’entrée au secondaire ou en première année universitaire, de voir le nombre de postes d’enseignants vacants pour s’en rendre compte. Les effets délétères de la politique menée à l’hôpital public sont également assez édifiants pour qu’on y réfléchisse à deux fois avant de répéter l’erreur dans le secteur de l’éducation où la religion, surtout catholique en raison du nombre de ses établissements privés sous contrat, à l’instar des cliniques, sera la première bénéficiaire de la politique actuelle du gouvernement pour qui le seul remède aux problèmes de budget, d’efficacité et même de mixité sociale, passe par une plus grande participation et implication des établissements du privé dans son projet national d’éducation. Alors rappelons une évidence : la société laïque (comme l’école laïque) à laquelle aspire le gouvernement et à laquelle il est tenu par notre constitution, passe par l’école publique.

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