«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 2 février 2023
  • Mise à jour: 3 février 2023

Le chien et le léopard

En Inde, depuis 2014 et l’avènement du premier ministre Narendra Modi, les libertés garanties par la Constitution indienne sont mises à mal en raison de l’application progressive de l’Hindutva. Cette idéologie du parti le BJP qui a porté au pouvoir Modi, fusionne les identités indienne et hindoue pour créer un État ethno-religieux et écarter activement les valeurs séculaires de l’Inde qui sont inscrites dans sa constitution. Si ce programme politique a eu pour effet de donner à l’Inde une économie florissante et lui assurer le statut d’un pays stable et d’un partenaire international fiable, ou qui compte, pour une grande majorité des indiens, notamment ceux des minorités ethniques et religieuses, il a eu pour principal effet de faire chuter l’indice de bonheur [1] global du pays. De 4,565 points en 2015 il est tombé à 3,573 en 2020. Pour se faire une idée du niveau atteint, l’indice de la Syrie en guerre était de 3,462 en 2019. L’Inde est aujourd’hui avec l’Afghanistan, la Syrie, le Yémen, la Birmanie au plus bas de l’échelle de cet indice en Asie. Les observateurs de la société indiennes, les médias (étrangers), les institutions internationales, les ONG, les organisations religieuses, témoignent unanimement d’une perte continue des libertés des Indiens, au point qu’elles touchent la liberté de parole, d’expression, de religion et de croyance (lois anti-conversion), d’alimentation, de pensée et d’action. Enfin, il faut se rappeler que Narendra Modi a commencé son engagement au Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), un groupe paramilitaire nationaliste. Lors de l’état d’urgence imposé dans le pays en 1975, il a été contraint de se cacher,. Puis, le RSS l’a affecté au Bharatiya Janata Party (BJP) en 1985. Il en devient secrétaire général en 2001.
« Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ». Cette célèbre formule, mère de tous les avertissements fictionnels, sonne comme un avertissement concernant l’Inde. Car elle résonne déjà des bruits de la guerre sur notre continent L’histoire actuelle de l’Europe, du monde « occidental », comme le nomme le président Poutine arrivé au pouvoir en 2000, a basculé en 2014 avec l’invasion de la Crimée et le début de la guerre au Donbas. Elle aussi s’est forgée une idéologie ethno-religieuse, l’hérésie du concept idéo-théologique de « Monde russe » auquel se réfèrent Poutine et le patriarcat de Moscou pour justifier l’invasion et la guerre en Ukraine. Ici, l’avènement d’un monde pan-slave et orthodoxe, là bas, la fusion des identités indienne et hindoue projetée par Modi qui n’a d’ailleurs pas abandonné l’idée d’une reconquête du Cachemire et du Pakistan. Deux mondes brutaux et dangereux qui par essence, nient la Liberté, la liberté d’autrui, les libertés. Deux mondes d’idées qu’il faut juguler.

Cela m’amène à vous relater un incident survenu dans une maison de repos adjacente au sanctuaire de Kombaru, dans le Karnataka, un état du sud de l’Inde. Son récit relevé par hasard dans la presse indienne est en lui-même une parabole, un enseignement à méditer sur la situation de la Russie et la guerre qu’elle mène en Ukraine. Le voici. Il y a quelques jours dans ce sanctuaire de Kombaru, un léopard poursuivait un chien. Effrayé, le chien est entré dans des toilettes en sautant par une fenêtre. Les toilettes étaient fermées. Le léopard a sauté a l’intérieur derrière le chien et les deux se sont trouvés coincés à l’intérieur. Quand le chien a vu le léopard, il a paniqué et s’est blotti calmement dans un coin. Il n’a même pas osé aboyer. Quant au léopard, même s’il avait faim et qu’il poursuivait le chien, il ne l’a pas attaqué. Il aurait pu aisément avoir son dîner d’un seul bond en tuant le chien. Mais non, les deux animaux sont restés ensemble dans des coins différents pendant presque douze heures. Pendant ces douze heures, le léopard était aussi tranquille que le chien. C’est comme cela qu’ils ont été découverts par le service forestier qui avait repéré le léopard un peu avant et le cherchait. Le félin a été finalement capturé vivant à l’aide d’un pistolet à injection et le chien est sorti indemne et libre de cette aventure. La question que tout le monde se pose maintenant est de savoir pourquoi le léopard affamé n’a pas sauté sur le chien alors que c’était facile pour lui. Les spécialistes locaux de la faune sauvage ont répondu au journal : selon eux, les animaux sauvages sont très sensibles à leur liberté. Dès lors qu’ils réalisent que leur liberté leur a été retirée, qu’ils sont enfermés, ils peuvent ressentir une profonde tristesse, au point d’en oublier leur faim. Leurs instincts et leurs besoins naturels s’estompent, sont annihilés.
Cet épilogue et une déduction du principe d’état de nature chez les êtres vivants m’ont conduit à faire un parallèle entre l’anecdote du journal et l’histoire des États qui s’en prennent à d’autres, à interroger l’actualité de la guerre en Ukraine mais aussi la possibilité d’en reproduire l’expérience. Enfermer la Russie, mais avec quel chien ?
Les sanctions économiques prises contre elle, n’ont pas annihilé ses instincts prédateurs, ce serait même plutôt le contraire. Comme nous l’avons écrit, selon l’institut universitaire suisse Saint Gall, seulement 9 % des sociétés occidentales ont quitté le marché russe. Pour ce qui est des sanctions sportives et de la non-participation de la Fédération de Russie et de son allié la Biélorussie aux jeux olympiques de 2024, elles divisent et peinent à être prises. Les intérêts monétaires priment depuis longtemps sur l’idée de liberté dans le monde du sport. Quant aux instances de régulation politique et diplomatique, de garantie de paix, l’ONU et son Conseil de sécurité sont aux abonnés absents sur le sujet de la Russie qui en est un des membres permanents.
Alors quel levier reste-t-il pour agir ? Avec qui cohabite le pouvoir russe si ce n’est avec sa population ? Qui du peuple russe ou du pouvoir russe a sauté le premier par la fenêtre, qui poursuit l’autre ? La question est cruciale et délicate.
En tant qu’être humain, nous avons nous tous besoin de liberté et de diverses manières : liberté de parole, d’expression, de religion et de croyance, de nourriture, de penser et d’agir. Mais si notre liberté nous est retirée, nous oublions le besoin de liberté. C’est ce qui est arrivé progressivement à la population russe depuis 2000. Je peux en témoigner, année par année. J’ai été pendant 11 ans, un acteur des relations entre la France, « l’Occident » et la Russie de Boris Eltsine et de Vladimir Poutine. C’est un oukaze de 2006 du président russe, interdisant aux régions, oblast et républiques (pour moi celle du Tatarstan), toute représentation en dehors des organisations diplomatiques, consulaires et commerciales de la Fédération de Russie, qui a mis fin à des années de travail pour l’établissement de relations bilatérales et de coopération dans l’esprit de la démocratie française, à cette mission passionnante. En septembre 2013, j’ai participé en Sibérie la dernière étape du second volet du programme Chirac-Eltsine de coopération économique. La situation de ce côté oriental de l’Oural marquait déjà, malgré un fort dynamisme ambiant, un retour préoccupant aux habitudes anciennes du pouvoir russe.
Il faut donc aujourd’hui trouver le moyen diplomatique et culturel « d’enfermer » les russes en Russie dans un face à face avec le pouvoir en place. C’est seul le moyen pour le faire taire et le capture vivant. La seule possibilité de l’annihiler, de le changer et de laisser partir libre sa population. Refaire souffler un esprit de liberté en Russie afin que les Russes, qui en sont dignes, retrouvent la liberté de citoyens qu’ils méritent comme tout un chacun c’est possible. Cette liberté, ils l’ont épisodiquement connue sous Eltsine. Elle leur a été finalement arrachée, confisquée, non pas par « l’Occident », déjà trop prudent à l’époque, mais par la corruption de leurs élites et l’oligarchie. Tous les jours les ukrainiens meurent des suites de cette histoire.

[1L’indice de bonheur par État est calculé par le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies (United Nations Sustainable Development Solutions Network), qui publie le World Happiness Report – ou « Rapport mondial du bonheur ». Il mesure le bonheur des citoyennes et citoyens au sein de chaque État en recourant à plusieurs indicateurs : le PIB par habitant, l’aide sociale (logement, allocations...), l’espérance de vie en bonne santé, la liberté relative aux choix de vie, la générosité, et la perception de la corruption gouvernementale.

Evénement
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L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

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