Russie : un opposant catholique jugé pour avoir publié la prière du pape pour la paix

Pour avoir discrédité les forces armées russes, le député du district de Zyuzino (Moscou), le catholique Konstantin Jankauskas, a été envoyé vendredi dernier devant un tribunal moscovite. Il lui est reproché d’avoir publié le 14 mars dernier sur sa page Facebook, la prière pour la paix du Pape François appelant à la fin de l’action militaire en Ukraine. Dans sa publication, il a écrit que « la ville portant le nom de la Vierge Marie à laquelle nous adressions nos prières, Mariupol, est devenue une ville-martyre de la guerre qui détruit les âmes et épuise l’Ukraine... Le cœur plein de douleur, je joins ma voix à celle des gens ordinaires qui demandent la fin de la guerre. Au nom de Dieu, que la voix de ceux qui souffrent soit entendue, que les attaques et les bombardements cessent », citant les paroles prononcées par le pontife lors de la consécration au Cœur Immaculé de Marie.

Un opposant au régime

Konstantin Jankauskas a 40 ans et est né à Moscou dans une famille d’origine lituanienne, comme l’atteste son nom de famille, de tradition catholique. Économiste spécialisé dans le marché, il est diplômé en sciences politiques de la faculté de philosophie de l’université de MGY, où il a étudié les relations entre l’État et la société civile. Actif en politique, il est membre du comité d’organisation du « Parti du 5 décembre », un mouvement libéral non officiel qui commémore la date des manifestations de la place Bolotnaja en 2011, les premières à sortir les slogans anti-corruption du blogueur Alexeï Navalny. Il participe également au mouvement " Solidarnost ", qui fait référence au célèbre syndicat polonais. Le 3 mars 2015 il assiste avec son épouse à l’enterrement de Boris Nemtsov qui a été tué près de Kremlin.
Député de la municipalité de Zyuzino depuis 2012, réélu en 2017, et en 2014, il s’est également présenté à la Douma de Moscou. À l’époque, il était toutefois bloqué par une accusation pénale liée au financement de la campagne du groupe Navalny lorsque celui-ci avait remporté plus de 30 % des élections municipales de Moscou en 2013, le meilleur résultat de l’opposition sous l’ère Poutine. Il a dénoncé l’accusation comme étant inventée et fabriquée, mais a été placé en résidence surveillée pendant quelques jours, les jours mêmes où il devait déposer sa déclaration de candidature aux élections. Il a de nouveau tenté sa chance en 2016 lors des élections à la Douma d’État, obtenant la quatrième place dans la circonscription d’uninominal avec 8,22 % des voix.
En 2019, il a fait une nouvelle tentative pour se présenter au parlement. Pendant la campagne électorale, des perquisitions ont été menées dans les appartements de ses parents et de sa grand-mère, et il a lui-même été arrêté quatre fois. Entre 2020 et 2021, il a de nouveau été placé en détention pour la soi-disant "action sanitaire", les arrestations de masse justifiées par les mesures anti-Covid des manifestants pro-Navalny, après son empoisonnement et son arrestation à son retour en Russie. À cette occasion, Jankauskas a été reconnu comme « prisonnier politique » par l’association Memorial, qui a ensuite été dissoute par le tribunal de Moscou à la demande des autorités.
L’audience d’appel au tribunal de district de Zyuzino a eu lieu vendredi 26 août. Les membres de la famille de Konstantin avaient invité toutes les personnes intéressées à assister au procès pour « discréditation papale ». Le verdict n’est à cette heure pas encore connu.