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  • Publié le 10 avril 2020

Coronavirus : quand la promesse fait religion

Tous les jours, les avis et opinions d’éminents spécialistes des domaines scientifiques, politiques, économiques font rage sur le Covid-19 pour nous dire ce qui nous attend, nous décrire le présent et nous prédire l’avenir. Toutes les théories et les scénarios sont envisagés pour connaître ce virus, le combattre et l’éradiquer au prix de l’intelligence et du savoir des uns et de l’humilité et du courage des autres. Si l’on prend un peu de recul, à bien y réfléchir, ce coronavirus possède, ou on peut lui prêter, ce qui revient au même, les attributs de Dieu : Il est un, unique et nouveau dans son type. Il est universel, connu du monde entier. Il est omniscient, il tire cette omniscience de la peur des humains – Il sait tout de nos actions. Il est ainsi tout-puissant à nous faire agir selon sa volonté. Mais est-il miséricordieux ? – Cela malheureusement, aucune science, et encore mieux, aucune des religions ne peut le dire, on le sait toujours après coup…

Poser cette réflexion, qui je le concède, peut sembler totalement saugrenue ou être blasphématoire pour certains, à ceux-là il faut au passage rappeler que ce délit est définitivement aboli en France depuis 2016, présente toutefois l’intérêt de reconvoquer dans ce quotidien si déconcertant et si dramatique, le rapport entre croyance et science, foi et savoir, foi et connaissance, l’enjeu de leurs promesses ; pour d’une certaine manière, l’apaiser, tenter de le vivre mieux, avec raison.

Dans ses Correspondance, Gustave Flaubert a écrit : « Les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été. ». Cette citation suggérant que l’Homme aurait vécu « sans Dieu » à un moment privilégié de son existence et en particulier de l’Empire romain a pour vertu de questionner le lien entre la foi et la raison, l’auteur désignant une période « bénie » que fut celle du Stoïcisme, le courant philosophique de Cicéron et de Marc Aurèle , l’idée d’un moment où l’homme ne vit plus gouverné par l’idée de Dieu, où il n’est plus enclin croire et donc à agir pour se soumettre aux dieux ou à un Dieu, mais est uniquement déterminé par lui-même pour trouver le Souverain Bien, c’est à dire le bonheur conçu comme existence en accord avec la Nature ou ses synonymes, comme vie conforme à la raison. « Tout est opinion. Et l’opinion dépend de toi », cette invitation de Marc Aurèle (Pensées, XII, 22) à un idéal radical de liberté et d’affirmation de soi vis à vis de la croyance et de la vérité, va cheminer au travers des siècles dans une reconquête du savoir et son idéal de connaissance symbolisée par la Renaissance et les Lumières pour aboutir à la formule de Kant « j’ai du abolir le savoir pour laisser une place à la croyance » (seconde préface de la Critique de la raison pure). Un renversement qui surprend tant il replace, en apparence, la croyance au niveau de la connaissance ; impose le croire au penser.

N’est-ce pas ce qui nous arrive aujourd’hui quand nous nous efforçons de croire que cette crise sanitaire va s’arrêter et qu’aux beaux jours, déjà là, nous pourrons nous retrouver, reprendre notre vie. Nous sommes tous dans l’assentiment, dans le tenir-pour-vrai, de ce que nous dit ce virus tout en cherchant dans le même temps à le supprimer. Nous faisons tous l’expérimentation de la raison pure qui donne une connaissance à priori des phénomènes et des choses en soi.

Ainsi la sortie de cette crise sanitaire qui se profile dans nos esprits se trouve jonchée de certitudes sur l’éradication du virus, de l’incertitude d’en sortir indemne et de promesses sur un monde nouveau ou meilleur, traduit dans l’expression présidentielle « le jour d’avant ne sera pas le jour d’après », promesses avec lesquelles chacun de nous devra se débrouiller.

Nous le voyons avec ce virus, en matière de science, les promesses sont des hypothèses qui restent vraies tant qu’une découverte ou un fait ne vient pas les invalider. Les brusques changements dans les récentes directives sanitaires gouvernementales en sont le parfait exemple.

Quand il s’agit de politique, la promesse se confond avec l’engagement, ce n’est pas la parole qui compte mais le faire. On en a comme illustration les déplacements qu’à accompli hier le président Macron dans les hôpitaux du Kremlin Bicêtre et surtout de Marseille pour la préparation de son discours de lundi 13 avril.

Mais la force de la vérité politique (la parole coïncide avec les faits) est toujours proportionnelle à la distance qui sépare, celui qui promet, du destinataire de la promesse. Plus ils sont proches, plus elle a de chance d’être tenue. On voit ici tout la difficulté actuelle pour les dirigeants politiques nationaux et les membres du gouvernement à s’exprimer et à convaincre les français et tout l’avantage d’une démocratie locale forte ; les initiatives concrètes comme la distribution des masques dans certaines villes en sont un exemple. La promesse tenue donne toujours de la joie à celui qui la reçoit - pour ce qui concerne les religions cela est vrai même si celui-ci, le destinataire, peut tout à fait vivre des siècles après qu’elle ait été faite - car après qu’une promesse ait été prononcée s’ouvre le temps de la vérité. En s’aidant de la temporalité séculaire des religions, on peut donc en déduire que la promesse a pour vérité que, même la mort ne soit pas une excuse. Il semble nécessaire de le rappeler au moment où beaucoup de nos gouvernants réfléchissent sur le processus de déconfinement qui devra être un grand geste de santé publique vis à vis de la population française, encore plus important que celui du confinement : tenir la promesse d’un salut sanitaire pour tous.

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L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, en 2024, il faut continuer d’agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de "l’opération spéciale" russe.

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