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  • Publié le 4 décembre 2019
  • Mise à jour: 6 décembre 2019

Esplanade des religions de Bussy-Saint-Georges : Bouddhistes, juifs, musulmans et chrétiens partagent leur foi et intègrent la vie de la cité

Dans la tension sociale provoquée par les radicalités religieuses qui persistent sur notre territoire, il est bon de rappeler qu’en France le dialogue et la compréhension avec et entre les religions existe. Saluée par l’Unesco, l’esplanade des religions de Bussy-Saint-Georges a valu à cette dernière le statut de « ville pour le dialogue interreligieux ». Découverte de ce quartier unique en Europe, où le vouloir vivre ensemble règne et le fait religieux nourrit la laïcité.

Tout débute lorsque, dans les années 1990, la direction d’Euro Disney souhaite installer à Bussy-Saint-Georges un grand centre mormon (un culte alors très représenté au sein du conseil d’administration de l’entreprise). Mais le préfet et le maire de l’époque opposent à cette sollicitation l’argument suivant : oui à l’installation de centre religieux, pourvu qu’il s’appuie sur une communauté existante. Sans communauté locale, les mormons abandonnent leur projet, mais l’idée de l’esplanade a germé. Elle ressurgit en 2005, au moment où le maire de l’époque, Hugues Rondeau, propose aux différents cultes de racheter des terrains à prix cassé dans la ZAC du Sycomore, à la condition qu’ils signent une charte. Cette charte les engage à une sobriété architecturale, au respect mutuel et au partage de certaines valeurs au nom du « Vivre ensemble ». L’esplanade des religions est née.

Aujourd’hui, allée plus qu’esplanade, le quartier cultuel et culturel de Bussy-Saint-Georges étire discrètement le long de la rue Madame de Montespan ses bâtiments à l’architecture moderne et sobre. Difficile pour un promeneur de se douter que cette enfilade de constructions neuves abrite côte à côte, comme sur une étagère de bibliothèque consacrée aux religions, les lieux de culte de quatre spiritualités : bouddhisme, christianisme, islam et judaïsme et bientôt hindouisme. Les amateurs de chatoyantes pagodes en seront donc pour leurs frais, les curieux et les « cherchant », eux, ne seront pas déçus par cet espace qui s’adresse autant à celui qui croit qu’à celui qui ne croit pas.

Des lieux cultuels et un projet culturel

Plus petit édifice de l’ensemble, avec de 250 m² de surface utile, la synagogue et son centre culturel J’Buss sont encore installés dans un préfabriqué situé à gauche, à l’entrée de l’esplanade. Faute de fonds, le bâtiment qui devrait jouxter la mosquée Tawba n’est toujours pas encore construit. Claude Windisch, président de l’association juive, avait pourtant déclaré : « si notre projet est le plus petit, de l’avis de toutes les communautés, il n’en est pas moins le plus symbolique  ». Mais aujourd’hui, le préfabriqué qui réunit une centaine de familles de Bussy et des environs pour l’apprentissage de l’hébreux et la célébration des offices de Chabbat et des fêtes juives, ainsi que les cérémonies des Bar et Bat Mitsvot, n’arrivent pas à trouver les fonds pour devenir synagogue.

Une situation qui tranche nettement avec celle de la pagode Fo Guang Shan considérée comme le plus grand temple bouddhiste d’Europe et ouverte au public en juin 2012. Les 8 000 m² de cet édifice façonné de verre, de bois, de pierre et de béton brut aspirent à la zénitude architecturale. Agrémentés de parvis et de jardins remplis d’arbres fruitiers, ils constituent un vaste complexe culturel et religieux d’échange culturel (exposition d’art et conférences), d’éducation (chaque année avec le temple de Vitry-sur Seine, 600 élèves y apprennent le chinois), d’action caritative (le temple est un centre du téléthon et ses bénévoles visitent et organisent des ateliers et des spectacles pour les enfants et les personnes âgées ou défavorisées) et d’activité religieuse et monastique (sept vénérables y vivent et dirigent les études religieuses, les méditations et les prières). Ouvert tous les jours sauf le lundi, le temple accueille un public séduit par son restaurant végétarien et la possibilité de pratiquer la méditation assise dans sa vaste salle de prière. Le courant bouddhiste Fo Guang Shan, créé il y a un demi-siècle par le Vénérable Hsing Yun à Taiwan, s’est développé dans le monde entier et compte aujourd’hui 300 temples et cinq universités. S’inspirant de la tradition zen chinoise, il prône un « bouddhisme humaniste ».
Voisin, le monastère bouddhiste laotien Wat Velouvanaram accueille des pratiques cultuelles (séances de méditation, enseignements du bouddhisme et de la culture laotienne) ouvertes à tous. Le bouddhisme laotien s’inscrit dans la tradition théravada, courant bouddhiste primitif sri-lankais du troisième siècle avant notre ère.

Le Minaret de la mosquée "tawab"

L’extrémité de l’esplanade dévoile le centre culturel musulman, dessiné par les architectes Mourad Ben Yedder et Gilles Balladur. Il abrite la mosquée Tawba (« Repentir »), dotée d’un toit incliné vers La Mecque, et un centre culturel (association Culture’M) dont le toit convexe coiffant la façade de l’entrée symbolise des bras ouverts et l’élévation vers le savoir. La mosquée, qui occupe 700 des 2 000 m² du bâtiment, peut accueillir jusqu’à 500 fidèles ; quant au centre culturel, il comporte une bibliothèque, une salle de conférence, des ateliers de calligraphie et d’arts plastiques ainsi que des salles où sont dispensés des cours d’arabe (400 élèves) et du soutien scolaire en mathématiques, physique et français, pour la préparation au baccalauréat.
Lors d’une précédente visite, en 2016 Farid Chaoui, directeur de la mosquée inaugurée en juin 2014, nous avait indiqué : « Le but d’une mosquée n’est pas seulement de rassembler autour du religieux mais de permettre également l’élévation intellectuelle et cultuelle. Nos cours de soutien sont ouverts à toutes les confessions ». Et de fait, devant l’affluence des demandes et les difficultés de la mairie a lui louer des salles, la mosquée a du s’agrandir en sous-sol pour créer de nouvelles salles de cour. La mosquée qui a du fermer l’année dernière pour mener ces travaux récemment achevés, attend le passage de la commission de sécurité pour réouvrir.

L’Église catholique reste en centre-ville

La présence chrétienne, elle, est aujourd’hui toujours située un peu à l’écart de l’esplanade, dans l’église de Notre-Dame du Val, en centre-ville. En effet, la construction à l’entrée de l’esplanade, d’une maison Saint-François d’Assise, en lien avec le Secours catholique et les Apprentis d’Auteuil a été abandonnée. L’Église catholique a donné la priorité à l’agrandissement de la maison paroissiale jouxtant l’église moderne et spacieuse de Notre-Dame du Val. Une demande de permis de travaux a été déposée en mairie.

Notre-Dame du Val

Alors qu’est devenu l’enthousiasme du Père Fontaine pour ce projet qu’il situait « au-delà des échanges cultuels », «  dans la solidarité  » [1], assurant à l’époque de sa conception que « les bouddhistes et les musulmans sont très intéressés par cette maison ». Et bien « il est simplement reporté » nous indique-t-il, «  le projet tient toujours », précisant qu’avec l’aide du maire actuel,Yann Dubosc, « les terrains ont été gelés auprès d’Epamarne pour pouvoir être achetés plus tard ». En attendant le projet qui devrait voir le jour d’ici 2 ou 3 ans, l’Église catholique n’est pas restée inactive nous assure le père Fontaine. Membre du bureau de l’association de l’Esplanade des religions, il participe aux nombreuses activités du lieu comme par exemple, prochainement, à l’accueil de 350 collégiens de Meaux venant découvrir les lieux et les cultes de l’Esplanade.

Le vouloir vivre ensemble des religions pour rapprocher les citoyens

Tous les responsables des cultes sont unanimes sur le rôle pédagogique. Les visites de publics scolaires sont régulières. Elles permettent aux élèves de découvrir en un même lieu différentes religions, et pour chacune leur histoire et leur culture. Tous portent le caractère totalement singulier et pacifique du lieu et œuvrent à un vivre ensemble, dans un foisonnement d’initiative communes ouvertes aux communautés et aux citoyens. L’Association des moines bouddhistes lao organise une dizaine d’évènements par an, dont les cérémonies de Katrina, Makhapuja, Vésak, la procession de Prabang et la fête du Nouvel An lao… Chaque premier dimanche de juin, depuis dix ans, l’association organise place de Verdun une kermesse très appréciée des Buxangeorgiens, avec au programme ventes culinaires, orchestres et danses traditionnelles. Cette cérémonie religieuse et festive reprend l’une des pratiques de la religion bouddhiste : l’aumône. Chaque année, les fidèles du temple Fo Guang Shan consacrent l’après-midi du premier de l’An à la paix et organisent régulièrement de magnifiques expositions d’art (peinture, photo…), auxquelles tous participent et qui attirent beaucoup de visiteurs locaux, mais aussi des Parisiens. La communauté juive avait pris l’initiative de la projection du film « Qu’est ce qu’on a fait au Bon Dieu ? », dans le restaurant végétarien du temple Fo Guang Shan, provoquant rires et discussions tard dans la nuit. Les musulmans accueillent de nombreux visiteurs lors des journées portes ouvertes organisées par l’IFCM. La paroisse de Notre-Dame du Val anime des petits groupes de discussion interreligieux. Enfin, depuis sa première édition du 21 novembre 2015, le concert pour la Paix organisé avec des jeunes de toutes les confessions est chaque année un moment d’une très forte intensité émotionnelle.

Au tout départ, le préfet s’était interrogé sur la réussite du dialogue entre les cultes et de l’ouverture du projet sur la ville, force est de constater que l’Esplanade a soudé les religions et les citoyens et continue de se développer : un temple hindou devrait être édifié à côté de la Mosquée. L’Esplanade des religions est désormais une vitrine de Bussy-Saint-Georges, mais c’est surtout un laboratoire original où la religion devient culture, intègre et apaise la vie de la cité. Une expérience de laïcité à étudier et à méditer.

[1Le projet de l’Église catholique devait contenir une maison de solidarité, une grande salle pour les familles et un café spirituel pour les jeunes, avec des activités de type SEL (Système d’échange local) pour lutter contre la précarité et encourager la mixité sociale. À cela s’ajoutait un foyer-logement où les séniors seuls ou en couple pourront vivre ensemble, ainsi qu’une école primaire catholique.

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