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  • Publié le 12 novembre 2021

Pédocriminalité dans l’église : une pandémie morale mondiale ?

Le rapport de la Commission indépendante d’enquête sur les abus sexuels dans l’Église catholique de France (CIASE) a été une véritable révélation. À la lecture des 2 000 pages expliquant comment quelques 330 000 enfants français ont été abusés sexuellement en France par des ministres du culte et des personnels laïcs au cours des 70 dernières années, tous les scandales pédo-catholiques précédents - aux États-Unis, en Allemagne, au Canada, en Australie et ailleurs - font pâle figure en comparaison.
Ce début du XXIe siècle marque une explosion de la divulgation des scandales de pédophilie et de pédocriminalité au sein des institutions religieuses. Pour l’Église catholique - qui reste la plus grande église du monde avec plus de 1,34 milliard de fidèles, tout a commencé aux États-Unis où, en 2004, les résultats d’une enquête ont été annoncés à grand bruit : 10 700 personnes se sont déclarées victimes d’abus sexuels commis par des prêtres catholiques. Plusieurs dizaines de victimes ont par la suite confirmé leur statut au tribunal et ont reçu des compensations de plusieurs millions de dollars de la part de l’Église. Par la suite les enquêtes ont été menées État par État, pays par pays. Ainsi, en 2018, la Pennsylvanie a publié un rapport faisant état de 1 080 victimes d’abus commis par plus de 300 ecclésiastiques. La même année, l’Église catholique des Pays-Bas a admis que plus de la moitié de ses évêques avaient couvert des prêtres pédophiles. Aucun de ces évêques n’a été sanctionné pénalement. Une immunité encore illustrée cette année avec l’installation au Vatican du cardinal australien George Pell, pourtant reconnu coupable par la Cour suprême australienne d’avoir abusé en 1996 de deux chanteurs de 13 ans d’une chorale d’église. Plus récemment, reconnu coupable de pédophilie, le cardinal polonais Henryk Gulbinowicz, 97 ans, a été interdit de service, de port d’insignes d’évêque, privé du droit de se montrer dans une cathédrale par l’Église qui lui a ordonné d’abonder sur ses biens un fonds polonais pour les victimes d’abus sexuels.

Comment ne pas évoquer aussi l’histoire « terrifiante » qui s’est déroulée au Canada. Durant deux siècles la violence (y compris sexuelle) s’y est exercée sur 150 000 enfants des pensionnats autochtones de l’église catholique. Les publications faisant état des centaines de cadavres d’enfants enterrés en secret sur les terrains de ces orphelinats a presque conduit récemment au soulèvement national de ces peuples. L’été dernier, au moins sept églises catholiques ont été incendiées au Canada - les Indiens ont revendiqué la responsabilité de certains de ces incendies. Depuis, la Conférence nationale des évêques catholiques a également reconnu les abus sexuels commis dans ces institutions. Les peuples indigènes qui ont déjà envoyé une délégation au Vatican attendent désormais de pied ferme les explications du pape dont la venue est prévue en décembre.
En Allemagne, comme son compatriote le pape Benoît XVI (Joseph Ratzinger), le hiérarque le plus titré, l’archevêque de Munich et Freising, le cardinal Reinhard Marx, ne pouvait tolérer la pédophilie rampante de l’église. Après que la Conférence nationale des évêques catholiques ait publié fin septembre, un rapport sur les enfants victimes d’abus sexuels commis par le clergé allemand, le cardinal a démissionné. Le rapport a identifié 3 677 victimes. Selon les experts, cela ne représente qu’un faible pourcentage du nombre total de cas. Comme le rapport Sauvé, le rapport allemand montre que la grande majorité des victimes d’abus commis par des prêtres sont des garçons âgés de 10 à 13 ans. Suite à cette publication, l’évêque Franz-Josef Overbeck d’Essen a admis que des prêtres pédophiles continuent d’officier en Allemagne. Seul un tiers des prêtres pédophiles identifiés y ont été sanctionnés par l’Église (généralement par une peine mineure), Sur ce tiers, moins de la moitié ont atteint les tribunaux civils, quand d’un autre côté, une victime sur cinq a tenté de se suicider...
Le rapport Sauvé, commandé par l’Église catholique française (Conférence des Évêques de France et Conférences des Religieux et religieuses de France, réunis) est donc à ce jour le dernier coin du voile soulevé sur une réalité qui fait de l’Église catholique l’une, voire l’organisation mondiale la plus impliquée dans des scandales pédophiles et dans la pédocriminalité. Compte tenu du caractère « systémique » de ces actes pédocriminels, récemment reconnu par l’Église catholique française, on n’ose imaginer à l’échelle de la planète le nombre de victimes. Le phénomène ne semble connaître aucune frontière géographique et théologique (voir notre article sur la pédocriminalité dans l’Église orthodoxe russe). Dans la religion catholique qui apparaît comme le foyer d’une pandémie morale mondiale, l’Église catholique française en commandant le rapport Sauvé s’est courageusement constituée en épicentre d’un séisme moral mondial dont l’enjeu est de renoncer aux pratiques du passé pour préserver une tradition religieuse et culturelle. Cela suffira-t-il à l’Église catholique pour opérer la rupture nécessaire et conserver ainsi son héritage ? La réponse à ce dilemme est cruciale. Elle passe certainement par une réforme du droit canon et des pratiques liturgiques qui imposeront ainsi à l’Église catholique une responsabilité morale et une préoccupation éthique renouvelée et renforcée vis à vis de ses fidèles, femmes, hommes et enfants. À défaut, il en ira à court terme d’un étiolement certain du lien de l’Église avec ses fidèles, de la disparition de toute promesse de salut et plus globalement encore, d’une incapacité à maintenir et à faire vivre en son sein, mais aussi dans celui des sociétés, l’idée du saint et du sacré.

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