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- Publié le 8 juillet 2022
Penser, c’est dire non
Durant l’année scolaire 1960-1961, Jacques Derrida, alors assistant en philosophie générale et logique à La Sorbonne, entreprend une lecture de la phrase d’Alain, « Penser, c’est dire non » [1]. Cette lecture donnera naissance à un cours magistral en quatre séances récemment publié au Seuil sous ce titre de Penser, c’est dire non. On y découvre déjà les marques d’une écriture déconstructrice à venir. Déconstructrice en philosophie faut-il ici préciser car dans cette matière, la « déconstruction », celle de Jacques Derrida, consiste à questionner la question, à réinterroger les questions essentielles de la philosophie, à affirmer pour mieux dire « non » et s’en expliquer. Il s’inscrit ainsi dans une pensée du « oui non », de ce qu’est fondamentalement la pensée, et de ce qu’elle dit quand elle dit oui, non. Des questions qui gardent aujourd’hui toute leur pertinence, à une époque où il est souvent difficile de dire la différence entre pensée et croyance. La « différance » derridienne est impure. Il y a chez Derrida un double emploi du mot « pur ». D’un côté, un concept pur - comme hospitalité, pardon, don - permet de penser l’inconditionnalité, à distance des compromis de la vie courante. Mais d’un autre côté, ce concept dit pur est ce qui permet de penser la contamination, qui elle-même est une trace, un reste, une impureté fondamentale. Une différence pure serait une simple alternative présence/absence. Elle resterait commandée par la présence, ou par sa négation. Mais la « différance » de Derrida n’est pas dérivable de cette simple opposition : elle suppose une extériorité, une non-présence hétérogène, qui vient contaminer la présence. C’est le surgissement, l’évènement, la révélation, le possible en tant que manifestation de l’impossible. Tout événement daté, comme la réussite d’un examen, la circoncision ou le baptême, n’a lieu qu’une fois. Comme tout ce qui n’a lieu qu’une fois, la date résiste à la pensée. Inversement, la philosophie résiste à la date. Privilégier la logique ou la lisibilité, c’est vouloir l’enjamber, la réduire à sa dimension conventionnelle. Penser c’est fondamentalement dire non à l’inéluctable, pour gagner notre liberté, pour nous affranchir des puissances qui veulent nous guider. Réfléchir c’est nier ce que l’on croit, c’est dire non au tyran, au prêcheur au monde tel qu’il se présente. C’est faire fi des idées reçues pour entrer dans la critique constructive, la déconstruction des affirmations de ce monde (guerres, crises, catastrophes,...) et (se) poser les questions sur ce qui les présuppose. C’est s’interroger notamment sur une forme de négativité, très courue, celle de l’apparence qui est une manifestation du néant. Penser, c’est aujourd’hui être dans un oui-non antifasciste et pacifiste convaincu, c’est dire non à la guerre tout en étant obligé de lutter contre elle.
[1] Alain, Propos sur les pouvoirs, § 139
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