«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

Cet article est en consultation libre

  • Publié le 7 avril 2022
  • Mise à jour: 8 avril 2022

Rêverie laïque et songe d’isoloir

Observé depuis la fenêtre de notre quotidien, le principe de laïcité ressemblerait plutôt à un grand carrefour de nos villes et métropoles, au lieu de l’accomplissement bruyant et cosmopolite de destins qui se croisent sans véritablement s’unir, ni sans jamais s’opposer, mus par la loi de la circulation, de la nécessité, du mouvement, du travail, de la vie.
En fermant la fenêtre pour un retour au calme, notre vision du principe se modifie. La laïcité n’est plus cet enchevêtrement, ce brouhahas rassurant de la vie, mais une pensée qui s’individualise dans le silence de notre conscience pour mieux s’écouter.
Dans ce retour à soi, la laïcité ressemble alors plus aux lignes de partage des eaux où s’unissent tantôt calmement, tantôt avec force les flots, une ligne de démarcation entre soi et les autres où notre histoire confrontant sans le flot de l’actualité, éprouve nos croyances entre acception du droit positif qui régit la laïcité par des lois pourvues de sanction et aspirations de chacun à l’expression de droits naturels, de droits fondamentaux tels la liberté, la liberté de conscience, le droit à la dignité, à la dignité de croyant, tous incarnés dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
On songe alors combien il est difficile sans la participation de chacun et l’acceptation de tous, par chacun, de maintenir au quotidien une société du vivre-ensemble dans notre République laïque et démocratique. Pour certains l’expression du vivre-ensemble est une pure réthorique, pour d’autres un rêve et une espérance, et pour beaucoup un discours vide de sens tant il est vrai qu’il est encore possible dans la France d’aujourd’hui, de se dire à propos du principe de laïcité qui assure une liberté à tous, la liberté de tous et notre paix sociale : « mais comment pourrait-il en être autrement ? ». Ne faudrait-il pas, alors, inviter ces sceptiques ou ces blasés à se repasser les épisodes des guerres civiles et religieuses de notre histoire pour comprendre que le calme et la paix civile sont fragiles et à se réveiller en se demandant « mais pour combien de temps encore ? ».
Il suffit d’observer le monde et les conflits qui l’enflamment pour s’en convaincre. L’Ukraine que les Russes envahissent au mépris de toutes les valeurs humaines doit autant nous horrifier que nous faire profondément réfléchir au bonheur et à la chance d’avoir un pays en paix. Une paix française qui s’exprime à l’international, peut-être mieux qu’elle ne règne à l’intérieur du pays, mais une paix qui tient encore en France grâce à notre laïcité, un principe qui en réunit deux : le principe de laïcité ou d’abstention qui s’applique à l’autorité publique et aux lois vis à vis de la croyance et de l’incroyance (c’est la séparation des Églises et de l’État) et le principe de liberté, liberté d’opinion et d’expression civile et religieuse (c’est la liberté de conscience).

À deux jours du premier tour des élections présidentielles, nous voyons avec cette guerre aux portes de l’Europe combien l’ignorance ou la perversion de ce concept de laïcité, de la séparation du politique et du religieux, est mortifère. La guerre du président Vladimir Poutine contre l’Ukraine est enracinée dans une version totalitaire du fondamentalisme religieux ethno-philosophique orthodoxe connu sous le nom de « Monde russe ». Cette fausse doctrine s’est révélée attrayante pour de nombreux membres de l’Église orthodoxe et a même été reprise par des courants politiques d’extrême droite ainsi que par des fondamentalistes catholiques et protestants. Elle est sans doute pour nous aujourd’hui une menace aussi importante que l’est celle de l’islamisme et son communautarisme dans le monde et sur notre sol.
Pour beaucoup de nos candidats à l’élection présidentielle, souverainistes, face au fléau du fondamentaliste qui prospère en France, la bonne réponse à apporter, nécessite de « faire nation ». En France, la Nation est l’assemblée nationale. Elle y est tout entière représentée. La Nation n’est pas portée ou incarnée par le seul Président de la République. Elle ne peut donc pas se construire dans la notion de consensus mais dans une vraie dialectique politique. L’union sacrée qui a prévalu lors de la guerre de 1914 n’est-elle pas vue aujourd’hui comme « une boucherie ».
La Nation d’aujourd’hui doit être acceptée et construite comme un espace de discussion où les pensées et les idées apparaissent et disparaissent, un cadre public dans lequel elle se redéfinit sans cesse. On peut alors voir la Nation comme « un plébiscite de tous les jours » pour reprendre la pensée d’Ernest Renan. La Nation n’est donc pas une essence mais plutôt la terre commune à de multiples essences, une terre que nous appelons « espace public ». C’est pour toute Nation, un socle commun qui, en France se définit et se confond avec le principe de laïcité et la paix qu’il délivre et qui fait de notre pays, le pays de la liberté. C’est à cette souveraineté qu’il faudra penser, rêver et aspirer, dimanche dans l’isoloir.

Evénement
Solidaires !

L’invasion de l’Ukraine par la Russie ne doit laisser personne indifférent !!! Outre les condamnations, il faut agir pour redonner et garantir son intégrité territoriale à l’Ukraine afin d’empêcher tout autre pays de suivre l’exemple terrible de cette invasion par la force.

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