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  • Publié le 16 mars 2021
  • Mise à jour: 19 mars 2021

Mahâyana

L’école bouddhique de la Nichiren Shu

La Nichiren Shu est l’école fondée par le moine japonais Nichiren (1222-1282), moine qui réforma le bouddhisme japonais au XIIIe siècle en proclamant le Sutra du Lotus comme l’enseignement définitif du Bouddha Shakyamuni. Aujourd’hui avec plus de 5 000 temples, la Nichiren Shu, dont le siège est situé à Tokyo est présente sur tous les continents et compte plusieurs millions de fidèles.

La Nichiren Shu est un ordre bouddhiste appartenant au courant mahâyana. Il a été fondé par le moine Nichiren Shonin, il y a plus de 750 ans. « Nichiren » est le nom du fondateur. « Shu » signifie simplement « Ordre » ou « école ». Dans la tradition bouddhiste du mahâyana, Nichiren Shonin est un bodhisattva, c’est à dire un être destiné à guider les êtres humains vers l’Éveil, en les aidant à cultiver leur nature de Bouddha Shakyamuni inhérente à tous les êtres, afin de vivre l’éveil à la véritable nature de la vie, une vie basée sur les enseignements universels du bouddhisme que sont la souffrance et les 4 nobles vérités, l’impermanence et la loi de cause à effet, le karma.
La Nichiren Shu propose donc l’une des voies bouddhiques qui permet à chacun de surmonter la souffrance, de mener une vie heureuse et d’aider les autres à faire de même en mettant en pratique les enseignements essentiels du Bouddha Shakyamuni contenus dans le Sutra du Lotus. Mais pour évoquer la nature de bodhisatva de Nichiren Shonin ainsi que les enseignements et les pratiques de la Nichiren Shu, il faut nécessairement se pencher sur l’histoire de son fondateur.

Nichiren Shonin l’initiateur

Nichiren Shonin est né le 16 février 1222 à Kominato, dans l’actuelle préfecture de Chiba au Japon. À l’âge de onze ans, ses parents l’envoient dans un monastère local, le temple Seichoji, pour étudier. Il y reçoit alors le nom de Yaku-o-maro. Dès son entrée, il prie le bodhisattva Akashagarbha [1] afin de devenir la personne la plus sage du Japon et découvrir la véritable intention des enseignements du Bouddha Shakyamuni. Parallèlement il commence à se demander pourquoi il y a tant d’écoles de bouddhisme, alors que le bouddhisme exposé par le Bouddha Shakyamuni est un enseignement unique. Il voulait tout particulièrement comprendre pourquoi le peuple qui avait placé toute sa confiance dans le nembutsu [2] continuait à souffrir et subissait des morts terribles et douloureuses ; pourquoi l’empereur avait été vaincu par le shogunat en 1221 alors que la divinité Hachiman [3] avait fait la promesse de soutenir la famille impériale jusqu’au centième empereur ; enfin, il voulait découvrir quelle école suivait les véritables enseignements du Bouddha. Ordonné prêtre au temple Seichoji à l’âge de 15 ans, il reçoit alors le nom de Zesho-bo Rencho.
L’année suivante, il part pour Kamakura, la capitale du shogunat, pour y continuer ses études. Il y reste jusqu’à 20 ans, jusqu’en 1242. Puis, ensuite, pendant des années, il voyage à travers le Japon, visitant les grands temples et monastères de son époque, cherchant à pousser plus loin sa formation. Dans ces lieux, il fait l’expérience directe de toutes les formes du bouddhisme pratiqué au Japon, y compris le Shingon ésotérique [4], la méditation Zen, la dévotion Jodo [5] et la stricte discipline du vinaya [6]. Plus important que tout, il étudie les sutras pour voir par lui-même ce que le Bouddha Shakyamuni avait réellement enseigné. Il séjourne de 1242 à 1253 au temple Enryaku-ji au Mont Hiei, le temple principal de l’école Tendai [7]. Après une étude considérable dans les centres d’érudition bouddhistes, Nichiren Shonin conclut que le Sutra du Lotus représentait l’aboutissement parfait du véritable enseignement du Bouddha.

Nichiren Daishonin

Arrivé au terme de cette réflexion, à l’âge de 31 ans Nichiren revint au temple de Seicho-ji. Le matin du 28 avril 1253, à Seichoji, sur la petite montagne d’Asahi-ga-mori, face au soleil levant qui perçait la brume matinale, il récita « Namu-Myoho-Renge-Kyo » (Odaimoku), ce qui est considéré comme le début de sa mission de propagation du Dharma Merveilleux. Il prit alors le nom par lequel il est connu de nos jours et qui signifie « Soleil-Lotus » en référence à la lumière du soleil qui dissipe l’obscurité ainsi que la pureté de la fleur du lotus qui pousse à la surface des marécages sans que l’eau boueuse ne la salisse. Les deux images se trouvent en évidence dans le Sutra du Lotus et ce sont les qualités que Nichiren souhaitait incarner.

Nichiren Shonin le réformateur

À midi, le même jour, pour célébrer la fin de ses études Nichiren, tient son premier sermon devant son vieux maître et ses condisciples. Ce sermon choque l’auditoire par sa critique du bouddhisme populaire de la Terre Pure et lui vaut immédiatement des ennemis. Le seigneur local, fervent disciple de la Terre Pure, qualifie le sermon de blasphématoire et tente de faire arrêter Nichiren. Dès lors, Nichiren n’aura de cesse de se faire connaître comme un grand maître et un réformateur qui consacrera sa vie à sauver les gens de la souffrance.
De 1257 à 1259, la discorde règne au Japon parmi les clans au pouvoir et de nombreuses rumeurs annonçaient d’énormes troubles civils et des invasions étrangères. En outre, la nation fait face à une série de typhons, d’inondations et de tremblements de terre, ainsi qu’à la famine et à la peste, sans oublier le passages de comètes qui suscitent la superstition et la peur. Tous ces événements sèment la panique dans la population. Face à cette souffrance, Nichiren réagit en écrivant une de ses oeuvres les plus importantes, le Rissho Ankoku Ron (Traité sur la paix dans le pays grâce à l’établissement du Vrai Dharma). Son traité n’est pas un document politique mais un texte visant une réforme spirituelle pour le peuple japonais, de sorte que tous puissent surmonter leurs souffrances et acquérir une valeur à partager avec le reste du monde, l’enseignement et la pratique vrais du Sutra de Lotus. Le 16 juillet 1260, Nichiren présente ce traité à Hojo Tokiyori, le régent retiré qui était de fait le véritable chef du shogunat de Kamakura. Mais le texte et tous les efforts de Nichiren pour en promouvoir l’esprit sont vus comme une critique de la gestion shogunale des affaires politiques et religieuses. S’en suivront alors pour lui des années de persécutions : incendie de sa maison (27 août 1260) et fuite de Kamakura ; retour puis arrestation et envoi en exil dans une petite péninsule rocheuse de la province d’Izu (12 mai 1261) ; grâce et retour à Kamakura en 1263 et un an plus tard il sort blessé d’une embuscade tendue dans la province d’Awa par le seigneur Tojo Kagenobu, l’un de ses premiers ennemis (11 novembre 1264) ; de retour à Kamakura en 1268, il est à nouveau arrêté et, échappant de peu à la décapitation, envoyé en exil le 10 octobre 1271 dans l’île particulièrement inhospitalière de Sado où non seulement il survit mais où il rédige deux de ses Ecrits majeurs : le Kaimoku-sho (Ouvrir les yeux [sur le Sutra du Lotus]) et surtout, son ouvrage le plus important, le Kanjin Honzon-sho (Contemplation spirituelle et Objet de Vénération) qu’il termina le 25 avril 1273.

Le gohonzon est la transcription de l’Odaimoku réalisée par les moines

Par ces Écrits, Nichiren n’essaye plus de simplement réformer le bouddhisme, il enseigne le Dharma Merveilleux du Bouddha Atemporel sous la forme du mantra « Namu Myoho Renge Kyo », destiné à cet « âge mauvais ». Ce qui l’amène le 8 juillet 1273, a inscrire sous une forme calligraphiée ce mantra dans un Grand mandala en caractères chinois et sanskrits : le Gohonzon, l’objet central de la pratique bouddhique de la Nichiren Shu.
En mars 1274, à nouveau gracié, Nichiren revient à Kamakura. Le gouvernement cherche à le rallier à sa cause en lui offrant un temple en échange de ses prières contre l’invasion mongole. Nichiren refusant tout compromis, insiste une fois de plus sur la nécessité pour le gouvernement de retirer son soutien aux enseignements qui obscurcissaient le véritable enseignement du Bouddha Shakyamuni. En voyant que sa troisième admonestation du gouvernement ne rencontre aucun écho, Nichiren décide de suivre le conseil de Confucius de se retirer dans les « montagnes et forêts » si trois essais d’admonestation du gouvernement restaient sans effet. (La première avait été le Rissho Ankoku-ron en 1260 et la seconde après la mission des Mongols en 1268). En mai 1274, Nichiren quitte Kamakura et établit son ermitage sur le Mont Minobu.

Le temple Minobusan Kuonji, fondé par Nichiren Shonin en 1274, est le lieu de culte le plus sacré pour les adeptes de Nichiren Shu. Conformément à sa volonté, après son décès, ses cendres ont été ramenées à Minobusan Kuonji et enterrées dans un mausolée.

Il y compose les deux derniers de ses cinq Écrits majeurs. En juin 1275, il rédige le Senji-sho (Sélection du temps) où il y reprend les cinq guides de propagation : quel sutra diffuser, capacité des auditeurs à comprendre le sutra, l’époque de la diffusion, le lieu de la diffusion et la personne qui diffuse, et en juillet 1276, après la mort de Dozen-bo, le maître qui l’avait ordonné et guidé dans son enfance, le Ho-on-jo (Sur la dette de reconnaissance). Le 8 octobre 1282, malade, Nichiren nomme six disciples aînés et leur confie la propagation de son enseignement après sa mort. Il décède le 13 octobre et est enterré sur le mont Minobu.

Doctrine et pratique

Après la mort de Nichiren, son bouddhisme continue à se développer. Avec le temps il est devenu l’une des plus grandes écoles bouddhiques au Japon. La Nichiren Shu estime que le seul bouddha en lequel le bouddhiste peut prendre refuge est le bouddha Atemporel Shakyamuni tel qu’il est décrit dans le chapitre 16 du Sutra du Lotus. Nichiren reconnu comme le bodhisattva Jogyo, s’étant donné pour mission, ainsi que l’explique le chap 21, de maintenir dans le monde le Dharma authentique après le parinirvana du Bouddha. Ainsi la Nichiren Shu ne partage pas l’idée de la Nichiren Shoshu [8] et encore moins de celle du mouvement de la Soka Gakkai, qui voudrait que Nichiren ait désigné son disciple Nikko comme son seul et unique successeur, et non les six. Sur le plan de la doctrine, la Nichiren Shu estime que la Nichiren Shoshu a transformé l’enseignement initial de Nichiren.

Autel bouddhique de pratique de la Nichiren Shu

En revanche, s’agissant de la pratique les adeptes qui chantent Namu-Myoho-Renge-Kyo, au cours de la prière quotidienne (Gongyo) pratiquée au domicile ou dans les temples avec les moines, seul ou à plusieurs (avec le Sangha : la communauté) devant le Gohonzon (la transcription du mantra) enchâssé dans l’autel bouddhique ou l’estrade (le Kaïdan), se recrutent un peu partout dans le monde. Au Japon, la Nichiren Shu (3 800 000 membres) prononce Namu, d’autres écoles, postérieures, comme la Nichiren Shoshu (400 000 membres) prononce Nam lors de la récitation du mantra et Namu dans le hiki-daimoku qui ponctue différentes sections des prières.
La liturgie de la Nichiren Shu, outre la récitation de « Namu-Myoho-renge-Kyo » comprend toutes les pratiques bouddhiques du courant mahâyana et notamment la récitation de la prise de refuge dans les trois trésors, les chants, la méditation, la célébration des fêtes consacré au Bouddha Shakyamuni comme celle de vezak, la naissance du Bouddha. La Nichiren Shu ne possède pas encore de temple en France aujourd’hui.

Du « bouddhisme de Nichiren » et de la Nichiren Shu

Dans le bouddhisme, la Nichiren Shu est l’une des seules, si ce n’est la seule, des écoles à porter le nom de son fondateur. L’école et sa dénomination remontent aux six moines aînés (Nissho, Nichiro, Nikko, Niko, Nichiji, Niccho) à qui Nichiren (1222-1282) a confié peu avant sa mort, la mission de propager ses enseignements. Sa doctrine s’est par la suite instituée en une lignée de nombreuses écoles et mouvements qui se regroupent ou aiment à s’identifier aujourd’hui, sous l’appellation de « bouddhisme de Nichiren », très loin, pour certain(e)s, des enseignements du fondateur. La Nichiren Shu est donc l’une d’entre elles, pas la plus importante (sauf au Japon : 3,8 millions de fidèles) mais la plus ancienne. Aussi inscrire l’école Nichiren Shu au rang des mouvements fondés sur l’idolâtrie ou le culte de la personnalité (celle de Nichiren ou d’un autre) ne peut se concevoir y compris dans l’esprit de son fondateur. À ceci au moins deux raisons : d’une part il a combattu à son époque de tels mouvements comme le nembutsu et son culte du Bouddha Amida de la doctrine de la Terre Pure par exemple, et d’autre part cette posture cultuelle est totalement contraire aux enseignements du Bouddha Shakyamuni - on pense au moins à celui de l’impermanence - toujours pris en référence dans les Écrits et les sermons de Nichiren [9] consacrés à l’étude, la révélation et à la mise en pratique du Sutra du Lotus. Donc celui qui se consacrerait au bouddhisme de Nichiren en visant Nichiren ou un autre personnage manquerait sa cible « aussi sûr qu’une flèche pointée vers la terre ne peut manquer de l’atteindre », expression utilisée par Nichiren lui-même dans un de ses « gosho » (lettre) pour attester l’efficiente vérité de son enseignement.

Sources :
Nichiren Shu Organisation Tokyo
Site internet Nichiren-Études

[1Akashagarbha (littéralement : Corbeille de Vacuité-Totale, Xukongcang pusa, 虚空・空) est l’un des huit grands bodhisattvas (mahasattvas-bodhisattvas). Sa sagesse et sa bonne fortune sont aussi vastes que l’univers. Au japon, il est connu sous le nom de Kokuzo.

[2À l’origine, nembutsu désigne l’action de méditer sur un bouddha ou d’invoquer son nom. Dans l’usage populaire, le terme fait presque toujours référence au bouddha Amida et aux tenants de la doctrine de la Terre pure pour qui la pratique de la récitation du nom du bouddha Amida était le seul moyen permettant de renaître dans la Terre pure. On distingue plusieurs variétés de nembutsu : simple invocation (shomyo-nembutsu), méditation (okunen-nembutsu), contemplation pure (kannen-nembutsu), danse accompagnant l’invocation (nembutsu-odari).

[3À l’origine divinité shinto appelée Grande Divinité Lumineuse, Hachiman (daimyojin Hachiman) est le dieu de la guerre, et le protecteur du Japon et du peuple japonais. Il protège plus particulièrement les guerriers, notamment les archers, ainsi que les agriculteurs et les pêcheurs. Il est révéré aussi bien par les puissants que par les simples gens. Après l’arrivée du bouddhisme au Japon, Hachiman incarne le rapprochement de la religion shinto et du bouddhisme.

[4École bouddhique chinoise également connue sous le nom d’école des Mystères (Mi zhong). Elle fut fondée par Kukai qui rapporta les enseignements ésotériques de Chine, pour créer une école indépendante. Celle-ci fonde sa doctrine sur les sutras Vairocana et Kongocho. Le nom shingon (vraies paroles) vient du sanskrit mantra (mot secret, syllabe mystique). Pour l’école Shingon, le terme « shingon » désigne les mots qu’aurait prononcés le bouddha solaire Dainichi-Vairocana (le Bouddha historique, Shakyamuni, est considéré comme une simple émanation du bouddha solaire Dainichi-Vairocana). La récitation de ces mots secrets est l’une des pratiques de base que cette école utilise pour atteindre l’état de bouddha. Actuellement, le Shingon se divise en 47 branches.

[5École de la Terre pure (voir note 2).

[6Règles de discipline pour les moines et les nonnes. Une des trois parties du canon bouddhique.

[7Equivalent japonais du Tiantai chinois fondé par le moine Zihyi (538-597). À l’époque de Nichiren, cette école est très fortement imprégnée par le Shingon.

[8École se réclamant de Nikko. Elle s’appelait Fuji ha (Branche Fuji) mais se renomma Nichiren Shoshu en 1912. Un moment associée à la secte laïque japonaise Soka Gakkaï (créée en 1930), elle s’en est séparée en 1991.

[9Différences fondamentales entre les principales institutions du « bouddhisme de Nichiren »

École bouddhique Nichiren Shu :
1) le Bouddha : le Bouddha Sakyamuni
2) le Dharma : le Sutra du Lotus, Namu Myoho Renge Kyo.
3) le Sangha : Nichiren Daishonin (maître des moines, des nonnes, des croyants) et toute la communauté bouddhiste

Nichiren Shoshu :
1) le Bouddha : Nichiren Daishonin
2) le Dharma : le Sutra du Lotus, Nam Myoho Renge Kyo.
3) le Sangha : Nikko Shonin et les patriarches successifs du temple Taiseki-ji et la communauté des fidèles

Soka Gakkai
1) le Bouddha : Nichiren Daishonin
2) le Dharma : le Sutra du Lotus, Nam Myoho Renge Kyo, les enseignements et les écrits du Président et de la Soka Gakkai
3) le Sangha : Nikko Shonin, l’organisation Soka Gakkai et tous ses membres.

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