«On ne fait pas d’élection avec des prières »Proverbe québécois

 

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  • Publié le 27 novembre 2018
  • Mise à jour: 24 octobre 2025

Le soufisme

Le soufisme est une interprétation et une pratique mystique de la religion musulmane. En tant que tel il est commun à toutes les branches de l’islam. Le Dieu que découvrent les soufis est un Dieu d’amour, auquel on accède par amour : « Qui connaît Dieu, l’aime ; qui connaît le monde y renonce ». Les soufis privilégient l’expérience personnelle par rapport à la démarche communautaire de l’islam du Prophète.

Dès le VIIIe siècle, l’islam connaît son expérience mystique : certains musulmans voulant vivre la rencontre intérieure entre le croyant et son Dieu se retirent aux confins du désert, notamment en Syrie et en Égypte. Dans leur quête de Dieu, les soufis préconisent le détachement vis-à-vis des choses de la vie, le jeûne, le silence, la méditation (al-tafakkour). Les docteurs de la loi et les juristes s’en méfient et s’en inquiètent. Ils y voient une déviation de l’islam, en tout cas de celui de Mahomet qui privilégie la communauté sur l’individu alors que ces soufis - du nom de la grossière étoffe de laine blanche, le soûf, dont ils se recouvrent – veulent atteindre le salut individuellement. On les appelle aussi râheb, du même nom dont on désignait les moines chrétiens en Orient ; ou encore fakîr ou derwiche, termes qui désignent les pauvres en raison de l’état de dépouillement auxquels ils s’astreignent.

Le soufisme sort de sa marginalité au XIe siècle grâce à l’effort de réflexion et de médiation de théologiens comme Abou Hamid al-Ghazâli, l’« Algazel » du Moyen Age chrétien, qui ouvre le sunnisme à une approche ésotérique, déjà pratiquée dans le chiisme. Le soufisme se propage ensuite à l’ensemble du monde musulman au XIIIe siècle et lui donne ses plus grands représentants. Une progression qui lui vaudra au XIVe siècle les railleries du grand polémiste fondamentaliste syrien Ibn Taymiyya, demandant publiquement s’il ne s’agissait pas là d’un idéal « spécifiquement chrétien » ?

L’initiation par un maitre

Ce qui inquiète le plus les docteurs de la loi, c’est la réunion des mystiques sous l’autorité d’un cheikh, un maître, qui développe lui-même une liturgie propre et des techniques de méditation particulières, mettant en péril leur autorité religieuse et leur compétence de théologiens. Leur méfiance est grande vis-à-vis de cette voie qu’il faut suivre, ces étapes qu’il faut franchir pour atteindre l’union intime totale ittihâd avec Dieu, qui procure l’extase.
Adeptes soufis de la confrérie tijaniyya priant à Fès le 14 mai 2014
Cette approche se fait sous l’autorité d’un maître dont le rôle est fondamental dans l’initiation. Selon l’un des hadiths, il existerait 90 000 voiles entre le croyant et la réalité supérieure, Dieu. L’initiation nous permet de lever un à un ces voiles qui nous empêchent d’accéder à la lumière divine, et le maître nous offre des points de repère pour y arriver. « Celui qui n’a pas de maître a pour maître Satan  », disait un des grands soufis Andalou Ibn al-Arabi (1165-1240) qui passa sa vie à voyager en orient avant de se fixer à Damas où il est enterré.

Tour à tour combattu, condamné, rejeté, et enfin récupéré - du moins par le pouvoir en place - le
soufisme est toléré tant qu’il s’insère politiquement et socialement. C’est sans doute la rencontre de l’islam avec la Perse qui a donné son envol au mysticisme musulman. Beaucoup de grands soufis sont d’ailleurs persans, comme Nizami, Jalâl ad-Dîn Rûmî, Farîd ad-Dîn Attâr et al-Ghazâli.

Autour du maître, le cheikh, s’articule la hiérarchie des lieutenants, des disciples, des aspirants qui
obéissent à une discipline stricte. Ainsi naissent les confréries, tarîqa ; en fait, le terme tarîqa se traduit littéralement par « voie », qui traduit l’idée du cheminement initiatique vers Dieu.
Le grand maitre soufi marocain Sidi Hamza disparu en janvier 2017
Chaque confrérie a ses méthodes d’initiation, ses points de repère mis en place par le maître. Cela peut être la prière, la méditation, la musique et la danse, le voyage... Le dhikr est la prière collective autour du maître qui consiste à répéter sans relâche le ou les noms de Dieu, ou encore certaines formules incantatoires. L’influence des confréries, expression d’un islam populaire éloigné de la théologie et des explications savantes des docteurs de la loi, n’est pas seulement religieuse mais également politique. Elle s’exerce aussi bien dans les villes que dans les campagnes.

Les grandes confréries soufies

Certaines confréries très anciennes demeurent bien actives et ont des ramifications dans toutes les régions de la sphère musulmane. Elles portent en général un nom dérivé de celui de leur fondateur :

•la Qâdiriyya, fondée en 1166 à Bagdad par Abdel Qâder Jilâni
•la Tijjâniyya, fondée au Maghreb à la fin du XVIIIe siècle
•la Mawlawiyya (ou Mevleviyya), créée à Konya au XIIIe siècle par Jalâl ad-Dîn Rûmî, est la fameuse
 confrérie des derviches tourneurs
•la Senoussiyya, fondée au début du XIXe siècle en Libye et qui a joué un rôle primordial lors de la
 bataille d’indépendance
•la Rahmâniyya, organisée au XVIIIe siècle par un cheikh kabyle, et qui suscitera l’insurrection kabyle au 
siècle suivant
•la Rifâ’iyya, omniprésente dans les pays de la péninsule Arabique et en Jordanie ;
•celle des Mourides, créée au Sénégal au XIXe siècle, très puissante et très riche grâce à la culture
 de l’arachide ;
•la Naqshabandiyya, fondée au XIVe siècle et très active en Russie et dans les Républiques musulmanes 
de l’ex-URSS.

Le soufisme sociétal

Ces dernières années, on assiste à l’émergence d’un soufisme sociétal qui pousse les soufis à se plonger dans la vie de la société et à rayonner. Les deux confréries les plus importantes de ce mouvement
 sont la Khalwatiyya et la Alawiyya.
Le 2 juillet 2016, les confréries soufies célèbrent dans la communion et le partage « La nuit du destin » à la Grande mosquée de Paris ; moments de prière, de méditation et de Dhikr dans le silence de la nuit pour trouver la Lumière de Sa proximité.
La Khalwatiyya a été créée dans les années 1980 par le chef égyptien Mohammad el-Tayeb, qui s’est installé à Gorna, en face de Louxor. La Khalwatiyya accueille toute personne en demande d’aide morale, psychologique ou matérielle ; elle accueille également des femmes en difficulté dans leur milieu social ou familial et leur apporte la chaleur d’une famille à travers la religion. Au fil des années, le cheikh Mohammad el-Tayeb est devenu un « juge de paix » qui intervient comme médiateur dans les conflits entre les familles, les voisins ou dans les contentieux qui ne méritent pas
de passer par le tribunal. On vient de toutes les villes d’Égypte pour le consulter.
Ahmed el-Tayeb, grand imam d'al-Azhar
Son frère Ahmad el-Tayeb, le 44ᵉ imam de la mosquée al-Azhar, éminent théologien, ancien mufti de la République égyptienne, ancien président et actuel recteur de l’université al-Azhar, véritable référence théologique de l’islam sunnite, lui a donné une « patente » pour son association en dépit de la méfiance et parfois de l’agressivité de l’orthodoxie sunnite.

La Alawiyya, qui existe depuis longtemps en Algérie, particulièrement à Mostaganem, connaît depuis une quarantaine d’années un destin particulier sous la maîtrise de son guide spirituel le cheikh Khaled Bentounès. Né en 1949, il se rend à Paris en 1968 pour y étudier le droit et l’histoire. Il y installe une entreprise d’import-export promise à un grand succès. En 1975, le décès brutal de son père qui était le guide spirituel de la confrérie le rappelle en Algérie, où le conseil des sages le désigne pour prendre la succession de son père. Après plusieurs refus, il finit par accepter
et devient à vingt-six ans le quarante-sixième maître de la confrérie soufie al-Alawiyya.
Cheikh Khaled Bentounes
Véritable bête noire des islamistes, il s’investit dans le tissu associatif des deux côtés de la Méditerranée : en 1990, il crée les scouts musulmans de France. Cette association, reconnue par l’État comme association nationale d’éducation populaire, fait partie dès 1994 de la Fédération française du scoutisme en France.

En 2001, Khaled Bentounès internationalise al-Alawiyya en fondant l’Association internationale soufie Alawiyya (AISA) qui acquiert en 2012le statut d’ ONG par l’ONU. Il œuvre pour un meilleur vivre-ensemble en s’appuyant sur un héritage spirituel humaniste. Avec les scouts musulmans de France, il organise la marche de la Flamme de l’espoir citoyen ; en novembre 2014, il a lancé avec l’AISA une campagne de mobilisation mondiale pour que les Nations unies décrètent une journée mondiale du vivre-ensemble.
En France, Younès Aberhane, de la confrérie Alawiyya déclarait lors du congrès soufi 2017 : « Il y a un intérêt de plus en plus marqué pour le soufisme. Nous le voyons depuis les attentats terroristes. Les musulmans cherchent d’autres manières d’envisager l’islam  ».
Récemment, une maison du soufisme s’est ouverte à Saint-Ouen, aux portes de Paris, sous l’égide de la confrérie Naqshbandiyya, d’origine d’Asie centrale, mais dont le maître spirituel réside à Chypre.

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