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Pédophilie dans l’Église catholique : pour Jean-Marc Sauvé les 45 recommandations adressées à l’église ne nécessitent pas la modification de la législation française

Jean-Marc Sauvé, le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (Ciase) était auditionné ce mercredi par la commission des lois de l’Assemblée nationale, deux semaines après la remise de son rapport. Sous le feu des questions des députés sur l’ampleur révélée du phénomène de pédocriminalité dans l’Église catholique et les suites à donner au rapport le président de la Ciase a affirmé qu’il revenait désormais à l’église à agir et apporter des solutions sans qu’il y ait lieu à modifier la législation actuelle invitant aussi les pouvoirs publics à ne pas « rester sans rien faire » face à l’ampleur des agressions sexuelles sur mineurs révélée par le rapport.

« Les chiffres que nous avons trouvés sont tout sauf rassurants  », a déclaré Jean-Marc Sauvé . Le rapport a estimé à 330.000 le nombre de victimes dans l’Église catholique ces soixante-dix dernières années [1]. Dans la même période, la commission a également estimé que 5,5 millions de personnes de plus de 18 ans ont été sexuellement agressées pendant leur minorité dans toute la population française. « Chaque jour, 450 nouveaux mineurs sont agressés dans notre société » a précisé Jean-Marc Sauvé en rappelant que la Commission inceste (Ciivise), mise en place par les pouvoirs publics au printemps 2021 commence à recueillir des témoignages depuis septembre. « Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester sans rien faire » a-t-il assuré.

Les 45 recommandations ne nécessitent pas de modification de la législation française

« Pour nous, aucune des 45 recommandations émises n’appelle directement et indirectement une modification de la législation » a indiqué Jean-Marc Sauvé en réponse à de multiples interrogations des députés sur le secret professionnel de la confession et l’obligation de dénoncer des crimes sexuels commis sur mineur, mais aussi sur les délais de prescription des faits et de l’indemnisation des victimes.
S’agissant de l’articulation entre secret professionnel et obligation de dénoncer les abus commis sur des enfants, il indique que la commission considère que la législation actuelle - en regard des articles 434-3 et 434-1 du Code Pénal - créée pour le prêtre destinataire de confidences couvertes ou non par le secret professionnel de la confession, une obligation de dénoncer ces faits. Il a également précisé que cette obligation relève aussi (au titre de l’article 226-3 du code Pénal) de l’obligation d’assistance à personne en danger. La hiérarchie du secret canonique n’existant pas dans la loi française, il n’a donc pas lieu d’être invoqué, a-t-il encore répondu au député LREM, Christophe Euzet qui l’interrogeait sur l’article du code pénal 226-14 « qui permet, mais ne fait pas obligation de déroger au devoir de dénoncer ». Convenant de cette ambiguïté juridique, le président de la Ciase a tout de même conclu : « À mes yeux, il n’y a pas lieu sur ce point de modifier la législation française ».

Des compensations financières pour les victimes

Jean-Marc Sauvé a par ailleurs été interrogé sur le financement par l’Église du dispositif permettant de verser une forme de réparation financière aux victimes. Mais « les situations financières et patrimoniales des diocèses en France sont radicalement différentes, selon qu’on est à Paris, Lyon, Lille. Il en va de même pour les congrégations », a-t-il souligné.
« Il faut qu’il y ait une solidarité interne à l’Église catholique, pour cette affaire (…) qui va coûter de l’argent », a-t-il recommandé. Il s’agit de « mettre en œuvre une mutualisation, une solidarité au travers d’un ou de deux fonds de dotation (…) celui des diocèses d’une part et celui des congrégations de l’autre », a-t-il préconisé.
Interpellé par la députée PS de Saône-et-Loire, Cécile Untermaier sur la prescription des faits et sa conséquence pour l’indemnisation des victimes, Jean-Marc Sauvé a fait remarquer que d’elle-même, l’Église catholique avait allongé le délai de prescription des faits comme le droit canonique lui permettait de le faire et a plaidé pour une indemnisation effective : « Pour le passé nous proposons une reconnaissance de responsabilité même lorsque les infractions sont prescrites au niveau pénal, et demandons que l’église reconnaisse les personnes en tant que victimes et qu’un dispositif d’indemnisation non forfaitaire, mais pas non plus intégral, soit mis en place ». Le président a justifié sa recommandation en expliquant que la réparation intégrale est une abstraction juridique car les préjudices consécutifs aux viols pour être irréparables ne sont pas identiques et évaluables de la même façon selon les victimes, concluant « L’indemnisation : c’est une question posée à l’Église catholique et à ses fidèles ».

La question de la responsabilité juridique

Se pose ainsi la question de la responsabilité de l’Église qui a pour préalable de répondre à : « Qu’est-ce que l’Église ? » et surtout « Les association cultuelles sont-elles légalement débitrices des sommes versées aux victimes des prêtres et religieux ? »
C’est un débat que la Ciase « ne tranche pas » souligne Jean-Marc Sauvé indiquant qu’« à la tête des diocèses, il y a des évêques qui devraient pouvoir répondre civilement de condamnations portées contre l’église suivant l’article 1242 du Code civil. « Dire que l’Église catholique n’existe pas juridiquement est une affirmation erronée » a réaffirmé Jean-Marc Sauvé devant les députés ajoutant « Les institutions religieuses sont civilement responsables ». Une responsabilité à caractère systémique soulevée dans la recommandation 24 du rapport qui appelle à de profondes réformes de la gouvernance de l’Église, souligne à nouveau l’ancien responsable du conseil d’État qui précise que si elle écarte la responsabilité pénale de la hiérarchie qui a couvert des fautes individuelles, elle conserve au lien d’autorité entre évêque et prêtre la responsabilité du fait d’autrui (Art 1242 code civil) « qui trouverait à s’appliquer en la matière ». Mais la commission Ciase pour avoir minutieusement examiné l’application de cet article, n’aligne pas l’Église catholique sur son régime mais lui demande mettre en place (en amont) une démarche d’indemnisation.

Le cas des départements concordataires

La Responsabilité systémique découle d’une organisation, d’un système hiérarchique, mais pourrait-elle dans ce cas impliquer la responsabilité de l’État français dans les territoires concordataires, s’est interrogé Ludovic Mendes, député LREM de la deuxième circonscription de la Moselle. Indiquant que le diocèse d’Alsace « est l’un des plus touché par les actes de pédophilie », il a souligné que dans les départements concordataire, les prêtres sont des agents publics.
« Oui », a reconnu quelque peu embarrassé le Président de la Ciase, « nous n’avons pas pris en compte cette considération – C’est une question intéressante et qui mérite d’être approfondie ». A n’en point douter Jean-Marc Sauvé s’y penchera sérieusement. La question ne manquera sans doute pas de lui être à nouveau posée lors de son audition par la commission des lois du Sénat le 28 octobre prochain.

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[1Chiffre donnée par une enquête en population générale de l’INSERM menée sur un échantillon de 28 000 personnes et couvrant la période 1950-2020, la marge d’erreur est de plus ou moins 50 000.

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