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- Publié le 30 septembre 2022
- Mise à jour: 5 octobre 2022
L’indemnisation des victimes de pédocriminalité dans l’Église catholique se heurte au nombre des demandes
Le 5 octobre 2021, La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) avait évalué à 216 000 le nombre de victimes de clercs, religieux ou religieuses depuis 1950. Ce vendredi 30 septembre 2022, Marie Derain de Vaucresson, la présidente de l’instance indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRRR), a annoncé 1004 demandes enregistrées et 60 décisions de réparation prises depuis janvier 2022. Une situation qui impatiente les victimes tandis que le nombre des demandes continuent de croitre.
Depuis sa création, il y a 8 mois, l’instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR) a reçu 1004 demandes de personnes victimes de pédocriminalité dans l’Église. Son collège a pris 60 décisions de réparation dont 45 ayant un volet financier et 23 personnes ont perçu cette réparation financière.
Vendredi 30 septembre, la présidente de l’INIRR, Marie Derain de Vaucresson, entourée de Florence Gavirey, nouvelle secrétaire générale de l’organisation, de Jean-François Badin, référent et de Florence Hermite, membre du collège des experts s’est à nouveau livrée à l’exercice du point d’étape sur sa mission désormais conduite par la nécessité d’accélérer les réponses aux demandes des victimes. Les nouvelles demandes croissant au rythme de 10 à 15 par semaine, l’organisation se trouve aujourd’hui confrontée à l’impatience de ces victimes. Des victimes plus jeunes et plus féminines que prévu (32 %), qui s’organisent en collectifs et mettent l’organisation aux défis de l’efficacité et de la rapidité. Deux défis qu’elle doit relever sans perdre de vue la réparation individuelle et singulière voulue par la Conférence des Évêques de France.
Traiter chaque victime dans sa singularité
Pour Marie Derain de Vaucresson, l’affaire est délicate. Les reproches majeurs adressés à l’INIRR concernent principalement les grilles d’évaluation mises en place pour aboutir aux indemnisations. Des grilles graduées de 1 à 10 et qui se déplient sur trois axes : Faits, Histoire, Conséquences. Il est notamment reproché à l’instance d’évaluer la gravité des faits de viols selon cinq degrés, une approche qui suscite une levée de boucliers dans les collectifs de victimes. Par ailleurs, de l’aveu même de la Présidente, le second axe d’évaluation dit « Histoire » et qui évalue l’attitude de l’Église (ses manquements) dans le déroulé des faits pose un problème de compréhension. Un collectif voit sa graduation comme une échelle d’atténuation des responsabilités de l’Église dans les atteintes aux victimes. Marie Derain de Vaucresson compte s’en expliquer et aplanir cette difficulté lors d’une première et prochaine avec les collectifs.
L’autre critique majeure porte sur les délais imposés par l’INIRR pour traiter les demandes. Sur le terrain, les victimes n’en finissent pas d’attendre. L’instance reconnaît qu’il faut six mois pour qu’une demande soit traitée. Dans les faits, pour certaines, les délais avoisineraient désormais quasiment une année. « Nous avons récupéré les clés d’un local et ensuite nous avons dû monter un dispositif de A à Z », s’est défendue hier, Marie Derain de Vaucresson, lors de son point presse. Elle a déclaré avoir ajusté « sa façon de travailler », en ayant le souci d’une plus grande « proximité » et d’une « plus forte humanisation » de l’accompagnement. « Cela peut prendre du temps, mais c’est parce que la démarche est singulière », a-t-elle expliqué.
Renforcer les équipes
La présidente de l’INIRR et Florence Hermite, magistrate et membre du collège des experts, sont revenues à plusieurs reprises sur la particularité de la procédure de réparation mise en place. Une procédure « unique et inédite » s’inspirant des principes de la justice restaurative. La présidente a insisté également sur le fait qu’elle peine à trouver les compétences requises pour étoffer ses équipes. Pour le moment, l’INIRR ne compte que douze référents (parmi lesquelles cinq bénévoles), des personnes en charge des relations avec les victimes et qui les accompagnent afin d’aboutir à leur demande de réparation. « Nous continuerons de renforcer les équipes dès cet automne et tout au long de l’année 2023 » a promis la Présidente en lançant un nouvel appel à candidatures pour étoffer l’équipes des référents qui sont recrutés parmi les professions de psychologues, médiateurs, professionnels de l’aide aux victimes de l’écoute, médecins, travailleurs sociaux... Plusieurs pistes en dehors du recrutement sont envisagées pour trouver les 15 équivalents temps plein salariés et 5 bénévoles dont l’INIRR a besoin. Des collaborations sont ainsi déjà engagées avec le personnel spécialisé des associations d’aides aux victimes comme France Victimes, par exemple.
Mais si les indemnisations des victimes sont puisées dans le fond Selam doté à ce jour de 20 M €, quid du financement de l’accroissement des charges de fonctionnement ? A cette question la présidente a indiqué que les coûts de fonctionnement étaient à la charge d’une association l’Union des diocèses de France. Des diocèses qui pourtant, précisera-telle plus tard, accusent un net déficit de communication ou de relai des appels à victimes. Sur 93 diocèses 10 d’entre eux ont placé sur la home page de leur site un widget renvoyant vers le site de l’INIRR et 23 l’ont installé dans une page « lutte contre la pédocriminalité » indique la présidente.
Le premier rapport d’activité de l’INIRR sera remis en janvier 2023. Il permettra de mesurer dans les faits et dans les chiffres le chemin parcouru et l’accomplissement d’une mission d’aide aux victimes qui ne ressemble à aucune autre.
Pour mémoire : Après la publication du rapport de la Ciase qui avait évalué à 216 000 le nombre de victimes de clercs, religieux ou religieuses depuis 1950 et à 330 000 en ajoutant les victimes de laïcs, bénévoles ou salariés, en mission d’Église, deux commissions ont été mises en place par les instances catholiques en France, à l’automne dernier, pour traiter les demandes d’indemnisations et de réparations des victimes . L’une présidée par Marie Derain de Vaucresson, qui traite des victimes de prêtres dépendants des diocèses, et l’autre la Commission reconnaissance et réparation (CRR), dirigée par l’ancien magistrat Antoine Garapon, qui s’occupe des dossiers relevant des congrégations et ordres religieux tels que les jésuites, les Frères des écoles chrétiens, les Frères de Saint-Gabriel. La CRR communiquant de son côté, indique avoir fait aboutir 35 dossiers sur les 496 qu’elle a reçus à ce jour. Elle en aurait transmis 131 à l’INIRR, qui ne relevaient de sa compétence.
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